Hausse de la consommation d’alcool et d’autres drogues au début de la pandémie de COVID‑19
En bref
La pandémie de COVID-19 a eu de graves répercussions sur les émotions négatives, dont on sait qu’elles influent sur l’usage de substances et l’apparition de troubles dus à cet usage. Une équipe de recherche internationale a réalisé une analyse documentaire pour examiner l’évolution de la prévalence, de l’incidence et de la gravité de l’usage de substances pendant la pandémie ainsi que les mesures de santé publique prises à cet égard. L’usage de substances chez les personnes qui buvaient déjà trop avant la pandémie a augmenté. Les personnes ayant des responsabilités familiales, se sentant stressées, déprimées ou anxieuses, et celles qui suivaient avant la pandémie un traitement en raison d’un trouble mental couraient plus de risques de consommer davantage de substances pendant la crise sanitaire.
Objet de la recherche
Afin de freiner la propagation de la COVID-19, les gouvernements du monde entier ont mis en place diverses mesures limitant les contacts physiques, dont confinement, ordres de rester chez soi et distanciation sociale.
Ces types de mesures peuvent amplifier les émotions négatives, émotions qui sont liées à l’usage de substances et à l’apparition de troubles dus à cet usage. Il est important d’étudier les effets de ces mesures sur la consommation de substances pour pouvoir planifier des traitements et des mesures de soutien en fonction des besoins de la population.
Méthodes
Une équipe internationale de recherche a procédé à un examen systématique des travaux de recherche publiés pendant la pandémie de COVID-19. Elle a analysé les changements que la pandémie et les mesures de santé publique ont entraînés dans les habitudes de consommation de substances. Son objectif : comprendre dans quelle mesure ces changements sont susceptibles d’avoir une incidence sur les besoins en matière de traitement et de systèmes de soutien.
Conclusions de la recherche
L’équipe de recherche a trouvé 53 articles portant sur les changements dans les habitudes de consommation de substances dans la population pendant la pandémie comparativement à avant la pandémie. La plupart des études décrivait les changements dans les habitudes de consommation d’alcool et s’appuyaient pour ce faire sur des auto-déclarations. Les éléments de preuve quant à des changements dans les habitudes de consommation d’autres substances étaient moins nombreux.
L’équipe de recherche a constaté que l’usage de substances avait augmenté chez les personnes qui buvaient déjà trop avant la pandémie. La consommation de substances chez les personnes ayant des responsabilités familiales, se sentant stressées, déprimées ou anxieuses, et chez celles qui suivaient avant la pandémie un traitement en raison d’un trouble mental était également plus susceptible d’avoir augmenté.
Portée et limites des conclusions
L’équipe de recherche a relevé plusieurs limites à ces études, dont la rareté de celles portant sur la consommation d’autres substances que l’alcool, l’absence d’informations émanant des pays à faible revenu, qui ont été particulièrement touchés par la COVID-19, et le manque de recherches publiées dans des langues autres que l’anglais, le français et l’espagnol. Dans la plupart des études considérées, la gravité de la consommation de substances ne faisait pas l’objet d’une analyse, seule la proportion de la population ayant augmenté ou diminué sa consommation étant évaluée. Qui plus est, la majorité des études n’étaient pas représentatives de l’ensemble de la population, car les sujets d’étude avaient été déterminés selon les méthodes de l’échantillonnage de commodité et par réseaux (« boule de neige »).
Applications possibles
Pendant la pandémie, ces recherches seraient utiles lors de l’élaboration de campagnes de réduction des méfaits associés à la consommation de substances et de la planification de programmes et de services de prévention et de traitement de l’usage de substances. Face à la pandémie de COVID-19, les chercheurs pourraient aussi vouloir mener des recherches dans toute la population sur la consommation de substances selon le sexe et l’âge pour aider à prendre rapidement des dispositions reposant sur des données probantes d’un point de vue thérapeutique à l’échelle du système.
Auteur.e.s
Rose A. Schmidt1,2, Rosalie Genois3, Jonathan Jin1, Daniel Vigo4, Jürgen Rehm1,2,5,6,7,8,9,10, Brian Rush1,2,7
- Institut de recherche sur les politiques de santé mentale, Centre de toxicomanie et de santé mentale, Toronto, Ontario, Canada
- École de santé publique Dalla Lana, Université de Toronto, Toronto, Ontario, Canada
- Université de Sherbrooke, Sherbrooke, Québec, Canada
- Département de psychiatrie, Université de Colombie-Britannique, Vancouver, C.-B., Canada
- Institut de psychologie clinique et de psychothérapie, Université technologique de Dresde, Allemagne
- Département de psychiatrie, Université de Toronto, Toronto, Ontario, Canada
- Institut de recherche en santé mentale de la famille Campbell, Centre de toxicomanie et de santé mentale, Toronto, Ontario, Canada
- Département des projets internationaux de santé, Institut de leadership en gestion de la santé, Première Université de médecine Ivan Setchenov de Moscou, Moscou, Fédération de Russie
- Agència de Salut Pública de Catalunya, Barcelone, Espagne
- Centre de recherche interdisciplinaire sur les drogues (ZIS), Département de psychiatrie et de psychothérapie, Centre hospitalier universitaire Hambourg-Eppendorf (UKE), Hambourg, Allemagne