Que devez-vous savoir ?
Les auteurs de l’étude ont employé le cadre théorique féministe intersectionnel afin d’explorer les dynamiques identitaires qui influent sur la demande de services de santé mentale des jeunes femmes francophones en situation minoritaire.
Ils ont découvert que si la représentation sociale positive associée à la jeunesse a pour effet de faire hésiter les jeunes femmes à demander des services de santé mentale de peur de se faire juger, l’image du genre féminin les amène à faire une utilisation plus appropriée des ressources disponibles.
En d’autres termes, l’intersection de plusieurs appartenances identitaires aboutit paradoxalement à un renforcement du pouvoir d’agir.
Cet Instantané de recherche résume l’article intitulé « Les enjeux intersectionnels de la demande de services de santé mentale au Canada : La situation des jeunes femmes dépressives francophones », publié dans la Revue canadienne de service social en 2018. Lisez-le ci-dessous ou téléchargez le PDF.
Les Instantanés de recherche sont des résumés brefs et clairs d'articles de recherche, présentés dans un format convivial.
En quoi consiste la recherche ?
Au Canada, les femmes, les jeunes et les francophones constituent des groupes à risque pour les troubles dépressifs. Cette étude visait à examiner les effets croisés des catégories identitaires de genre, d’âge et de langue parlée chez les jeunes francophones touchées par la dépression et vivant en situation minoritaire.
Qu’ont fait les chercheurs ?
Les chercheurs ont mené une enquête qualitative exploratoire. Quatorze francophones âgées de 18 à 30 ans qui avaient eu des symptômes de dépression au cours de l’année précédente ont été recrutées dans des établissements d’enseignement post-secondaire de Moncton, Ottawa, Sudbury et Winnipeg.
Les données ont été recueillies en deux phases. Dans un premier temps, les participantes ont indiqué ce qui leur venait à l’esprit quand elles pensaient à la dépression, aux services de santé mentale, au fait d’être de sexe féminin, d’être jeune et d’appartenir à la minorité francophone. Ensuite, lors d’entrevues semi-dirigées, elles ont répondu à des questions sur les mêmes thèmes.
Qu’ont trouvé les chercheurs ?
Trois thèmes ont été mis en lumière dans le discours des répondantes.
- Les facteurs déclencheurs de la dépression. Les participantes ont estimé que le fait d’être femme ou jeune pouvait être un facteur déclencheur de la dépression. Par contre, elles ont réfuté l’idée que l’appartenance à la minorité francophone pouvait jouer un rôle causal dans la dépression. Ce résultat est inattendu, car des recherches précédentes avaient montré que le rapport minorité-majorité linguistique peut être un déterminant dans la manifestation de la dépression chez les francophones du Canada.
« Je ne suis pas dépressive parce que je suis Acadienne. Ce n’est pas ma condition de francophone en milieu minoritaire qui me rend dépressive » - Le vécu dépressif. Le discours social dominant confère aux femmes une certaine fragilité émotionnelle. L’intersection de ce stéréotype féminin avec le stigmate de à la dépression se traduit par une meilleure acceptation de la maladie chez les jeunes femmes francophones, car elle leur donne une « légitimité » par rapport aux symptômes éprouvés.
- Le parcours thérapeutique. L’analyse a révélé qu’en raison de différents stéréotypes associés au genre féminin, dont l’empathie et la sensibilité, les jeunes femmes francophones préfèrent consulter des femmes pour leurs problèmes de santé mentale. Contrairement aux résultats d’études précédentes, la barrière linguistique n’a pas été perçue comme un obstacle incontournable pour les répondantes, leur bilinguisme leur permettant d’accéder à des services en anglais.
« Si tu me donnes le choix, je le prends en français. Mais si tu ne me donnes pas le choix, je vais le prendre en anglais. »
Comment pouvez-vous tirer parti de cette recherche ?
Cette recherche démontre l’importance des connaissances expérientielles des clients et ouvre la voie à un renouvellement des pratiques d’intervention en fonction des récits et des besoins exprimés. L’analyse permet d’envisager un modèle d’intervention intersectionnelle ancré dans la démarche narrative. Selon un tel modèle, le récit fait par le client à propos de son expérience devient une source de connaissances qui peut remettre en cause le discours social dominant.
Quelles sont les limites de cette recherche ?
La méthodologie qualitative et la taille réduite de l’échantillon constituent des limites pour la généralisation des résultats. Cependant, il est important de noter que l’objectif de cette recherche n’était pas de révéler des régularités, mais plutôt d’explorer les significations conférées par les femmes à leur expérience.
Qui sont les chercheurs ?
Florina Gaborean, Lilian Negura et Nicolas Moreau sont professeurs à l’École de service social de l’Université d’Ottawa.
Mots-clés
Dépression, femmes, jeunes, intersectionnalité, services de santé mentale, francophonie minoritaire
Cet Instantané de recherche résume l’article intitulé « Les enjeux intersectionnels de la demande de services de santé mentale au Canada : La situation des jeunes femmes dépressives francophones », publié dans la Revue canadienne de service social en 2018. https://doi.org/10.7202/1051101ar.
Le résumé a été rédigé par Sarah Calvin.