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La recherche en temps réel : Projet ECHO pour francophones – Détermination des besoins des fournisseurs de services desservant les communautés franco-ontariennes afin de créer un programme de formation en français sur le traitement des dépendances

Ce qu’il faut savoir

Les dépendances à diverses substances, dont les opioïdes, l’alcool et le cannabis, sont actuellement un problème urgent de santé publique en Ontario. Pour les communautés francophones, l’accès à des services de santé mentale et de prise en charge des dépendances dans leur langue est limité, voire inexistant. C’est pourquoi un projet pilote a été lancé pour examiner les besoins des fournisseurs de tels services afin de créer un curriculum de formation en français pour le traitement des dépendances. Dans ce numéro de La recherche en temps réel, nous présentons une interview du Dr Bernard Le Foll, chercheur principal désigné, d’Aliou Sene, chercheur principal, ainsi que de Jacob Cohen, doctorant, qui font partie de l’équipe du projet pilote du Centre de toxicomanie et de santé mentale*. Leurs réponses ont fait l’objet de modifications rédactionnelles pour des raisons de clarté.

Quel est le but du projet pilote ECHO pour francophones et dans quel contexte ce projet s’inscrit-il?

Jacob Cohen : Le but de ce projet pilote est de créer un programme de formation en français sur la prise en charge des dépendances, basé sur le modèle Extension of Community Healthcare Outcomes (ECHO). À cette fin, après avoir fait le bilan des besoins des fournisseurs de services œuvrant auprès des populations francophones de l’Ontario, nous allons développer un curriculum sur mesure, répondant aux besoins de ces fournisseurs dans des communautés de langue officielle en situation minoritaire (CLOSM).

Echo Onmh Logo

Logo du projet Extension of Community Healthcare Outcomes (ECHO). Le curriculum de formation en français que l’équipe de recherche veut créer dans le cadre de ce projet pilote est basé sur ce modèle

Qui mène la recherche?

Jacob Cohen : L’équipe de recherche est constituée d’une panoplie d’experts incluant des universitaires, des cliniciens, des gestionnaires de services de santé et des planificateurs de services de santé en français.

La direction des activités est assurée par les Drs Bernard Le Foll (chercheur principal désigné), Matthew Sloan (chercheur principal), Allison Crawford (chercheuse principale) et Tara Elton-Marshall (co-chercheuse), ainsi que par Aliou Sene (chercheur principal).

Quelle est la population cible?

Jacob Cohen : Cette étude concerne les professionnels de la santé qui fournissent déjà, ou sont intéressés à fournir, des services de prise en charge des dépendances dans les CLOSM.

Pourquoi votre équipe a-t-elle décidé d’aller de l’avant avec ce projet? Comment avez-vous déterminé qu’il y avait un besoin pour un projet ECHO pour francophones?

Aliou Sene : Malgré les lois sur les langues officielles et sur les services en français qui donnent aux populations en situation minoritaire le droit d’accéder à des services dans la langue officielle de leur choix, la réalité est souvent tout autre. Nous savons que la barrière de la langue peut avoir un effet délétère sur la qualité des services et la satisfaction des patients.

Des études ont aussi montré que malgré le fait que les Franco-Ontariens représentent la plus importante population de francophones hors Québec, 53 % d’entre eux disent avoir un accès limité, voire inexistant, à des services de santé mentale et de prise en charge des dépendances en français.

Bernard Le Foll : Pour ce qui est des problèmes liés aux dépendances, on assiste à une augmentation des besoins. En 2017, le taux d’hospitalisation lié à la consommation d’alcool était comparable à celui dû aux crises cardiaques. De plus, les médias parlent souvent de la crise des opioïdes, ce qui montre que la dépendance à ces substances est devenue un véritable problème de santé publique. De fait, 12 % des Canadiens affirment utiliser ces substances ou leurs dérivés.

Pouvez-vous décrire la méthodologie de recherche et dire où vous en êtes actuellement?

Bernard Le Foll : Il s’agit d’un projet pilote qui consiste à commencer par s’informer sur les besoins des fournisseurs de soins en français en ce qui a trait à la prise en charge des dépendances. Un sondage a été mené pour recueillir cette information auprès des fournisseurs. L’analyse des résultats va nous permettre de déterminer comment apporter un soutien aux professionnels de la santé qui desservent les communautés francophones. Dans un premier temps, il s’agira de voir comment le modèle ECHO peut aider les fournisseurs de soins de santé à prendre la mesure du manque de services et de ressources consacrés au traitement des dépendances chez les francophones de l’Ontario et à pallier cette carence, puis il faudra mettre en place des initiatives d’amélioration de la qualité de la formation en vue des prochaines phases de ce projet.

Aliou Sene : Il faut préciser que le modèle ECHO de télémentorat utilise un système de visioconférence priorisant une approche de partage des connaissances « en étoile » (hub and spokes), où des experts dirigent des cliniques virtuelles destinées aux professionnels de la santé dans les communautés locales. Il s’agira donc d’organiser des séances de formation en français sous la forme de courtes conférences didactiques sur un sujet spécifique, suivies d’une présentation de cas réels anonymisés donnée par un·e participant·e et d’une discussion. Cette approche améliorerait l’accès des populations éloignées à des soins spécialisés. Les membres du Réseau provincial francophone des fournisseurs de services de santé mentale et de lutte contre les dépendances, ainsi que d’autres organismes intervenant dans ce domaine, sont impliqués dans la mise en œuvre de ce projet. Avec leur collaboration, nous comptons recruter une cinquantaine de professionnels de la santé pour le projet pilote.

Quels sont les principaux besoins des prestataires de services qui ressortent des résultats du sondage effectué à l’échelle provinciale?

Jacob Cohen : Selon les données recueillies, l’alcool et le cannabis sont les substances les plus utilisées par les patients qui demandent des services de gestion des dépendances en français. Ensuite viennent le tabac, les opioïdes et la cocaïne.

Par rapport aux options de traitement, les professionnels de la santé affirment que le gros de leur travail consiste à offrir des services de counseling ou de psychothérapie individuelle et presque autant de services de counseling ou de psychothérapie de groupe et de services de gestion de cas. La prise en charge des dépendances, en établissement ou en ambulatoire, est assez limitée.

Ainsi, les fournisseurs de services estiment qu’il leur serait utile d’approfondir leurs connaissances dans ces domaines. Ils ont indiqué s’intéresser tout particulièrement au traitement des dépendances chez les personnes aux prises avec des douleurs chroniques.

Pouvez-vous citer quelques limites du projet?

Jacob Cohen : Le point de vue des professionnels de la santé exerçant dans les communautés rurales ou éloignées est souvent difficile à obtenir en raison de leur manque d’accès à l’information et de leur nombre limité. Cette situation s’est d’ailleurs reflétée dans les résultats du sondage, avec un nombre de réponses assez faible dans ces régions comparativement aux zones urbaines. L’autre défi est de trouver des experts capables de présenter les cours en français. Bien entendu, nous sommes en train de prendre les dispositions nécessaires pour contourner ces difficultés, notamment en impliquant au mieux les partenaires communautaires du projet.

Quelles sont les prochaines étapes du projet ECHO pour francophones?

Jacob Cohen : Maintenant que les fournisseurs de services nous ont fait part de leurs besoins en matière de formation, la prochaine étape du projet va consister à développer un cours dont le contenu pourra répondre à ces besoins à l’aide de l’approche de télémentorat du modèle ECHO. La cohorte de participants sera composée d’une cinquantaine de professionnels de la santé qui seront recrutés avec l’aide de nos partenaires communautaires.

Personne contact du projet de recherche

Bernard Le Foll
Clinicien-chercheur et chef du laboratoire de recherche translationnelle sur les dépendances à l’institut de recherche en santé mentale de la famille Campbell de CAMH

Responsable du service de l’innovation en recherche clinique au sein de la division de la toxicomanie de CAMH

Chef de la clinique de recherche de CAMH sur les troubles liés à la dépendance à l’alcool et sur son traitement

Président de la chaire de psychiatrie et de toxicomanie au département de psychiatrie de l’Université de Toronto

Professeur aux départements de médecine familiale et communautaire, de pharmacologie, de toxicologie et de psychiatrie à l’Institut des sciences médicales de l’École de santé publique Dalla Lana de l’Université de Toronto

Courriel : Bernard.lefoll@camh.ca

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