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Les programmes intégrés qui tiennent compte des sexospécificités s'annoncent prometteurs pour les femmes présentant des troubles concomitants de dépendance et de santé mentale

Ce qu’il faut savoir

Les recherches sur les troubles liés à la consommation de substances psychoactives ont presque toujours ignoré les femmes. Par conséquent, il y a peu de programmes de traitement destinés spécifiquement à cette population. Et pourtant, les femmes sont plus nombreuses à demander un traitement lorsqu’elles ont accès à des services spécifiquement conçus pour elles, et elles abandonnent moins souvent le traitement lorsqu’elles bénéficient de tels services. Les femmes présentant des troubles liés à la consommation de substances psychoactives sont plus nombreuses que les autres à avoir subi un viol ou d'autres types de violence physique ou émotionnelle et à avoir des problèmes de santé mentale. Les chercheurs ont effectué une revue systématique des études évaluant des modèles de traitement intégré des troubles liés à la consommation de substances et des problèmes de santé mentale spécifiquement destinés aux femmes.

Ils ont constaté qu'en répondant à tous les besoins spécifiques des femmes, notamment en matière de traumatismes et de santé mentale, plusieurs programmes basés sur ces modèles avaient permis d'améliorer de manière significative les symptômes des problèmes de dépendance et des troubles mentaux. Les femmes qui bénéficiaient de ces programmes affichaient également un taux de satisfaction particulièrement élevé et étaient plus nombreuses à poursuivre leur traitement.

Cependant, pratiquement toutes les études excluaient les femmes qui avaient des antécédents de maladie mentale ou qui présentaient une maladie mentale, mis à part la dépression et le trouble de stress post-traumatique (TSPT). Elles excluaient également les femmes présentant d'importants troubles de la mémoire, de l'apprentissage et de l'attention. Certaines études excluaient les femmes sans abri, les femmes contraintes de suivre un traitement et les détenues, ainsi que les femmes qui avaient des difficultés à communiquer en anglais et celles qui suivaient un traitement pour des troubles liés à la consommation d'opioïdes.

Objet de la recherche

Les connaissances sur l'expérience des femmes en matière de troubles liés à la consommation de substances et de rétablissement ont toujours été lacunaires, notamment en raison du fait que les chercheurs ont écarté les femmes dans la plupart des études. Cependant, on commence maintenant à s'intéresser aux facteurs liés au sexe et au genre qui ont une incidence sur les effets de la consommation de substances psychoactives et les résultats des traitements.

Les femmes présentant des troubles liés à la consommation de substances psychoactives sont plus nombreuses que les autres à avoir été victimes de violence familiale, de viol et d’inceste ainsi que de violences physiques, sexuelles et émotionnelles durant l'enfance. Elles sont aussi plus nombreuses à demander un traitement lorsqu’elles ont accès à des services spécifiquement conçus pour elles et elles abandonnent moins souvent le traitement lorsqu’elles bénéficient de tels services. Pourtant, il existe peu de programmes de traitement spécifiquement destinés aux femmes. En outre, de nombreux programmes de traitement des troubles liés à la consommation de substances psychoactives n'ont pas été évalués chez les femmes ou excluent les femmes souffrant de troubles psychiatriques. Il est donc nécessaire de mettre en place des programmes de traitement intégré qui soient sexospécifiques.

Par « traitement sexospécifique », il faut entendre un traitement qui est spécifiquement conçu pour répondre aux besoins des femmes et pour tenir compte de leurs conditions de vie particulières. Et « traitement intégré » désigne les programmes dans lesquels le traitement des problèmes de dépendance et de santé mentale est prodigué concomitamment par la même personne ou la même équipe.

Méthode

Les chercheurs ont consulté plusieurs bases de données pour trouver des études sur les traitements intégrés et sexospécifiques tant pour les problèmes de dépendance aux substances psychoactives que pour les problèmes de santé mentale et les traumatismes. Ils recherchaient des études randomisées avec groupe témoin, des analyses secondaires de données recueillies dans le cadre de programmes de traitement et des études en ouvert (études dans lesquelles tant les chercheurs que les participants savaient quel traitement était administré).

Conclusions de la recherche

Ils ont trouvé 24 études portant sur 3 396 femmes. Ces études traitaient de 10 programmes distincts, intégrés et sexospécifiques, destinés aux femmes présentant des troubles liés à la consommation de substances psychoactives. Les programmes étaient basés sur les modèles suivants :

L'analyse des données semble indiquer qu'en intégrant les besoins spécifiques des femmes, notamment en leur fournissant un soutien en matière de traumatismes, ces programmes ont permis de soulager de façon significative les symptômes de la dépendance et des troubles mentaux. Plus précisément, les modèles Seeking Safety, Helping Women Recover et Modified Trauma Recovery and Empowerment Model ont permis d'obtenir de meilleurs résultats en matière de dépendance et de troubles mentaux, y compris ceux liés à des traumatismes, que les traitements de comparaison.

Les programmes de traitement intégré et sexospécifique visant les femmes ayant des problèmes liés à l'usage de substances psychoactives affichaient un taux de satisfaction élevé, avec un taux de décrochage moindre.

Pratiquement toutes les études excluaient les femmes qui avaient des antécédents de maladie mentale ou qui présentaient une maladie mentale, mis à part la dépression et le TSPT. Elles excluaient également les femmes présentant d'importants troubles de la mémoire, de l'apprentissage et de l'attention. Certaines études excluaient les femmes sans abri, les femmes contraintes de suivre un traitement et les détenues, ainsi que celles qui avaient des difficultés à communiquer en anglais et celles qui suivaient un traitement pour des troubles liés à la consommation d'opioïdes.

Portée et limites des conclusions

Plusieurs des études présentaient un risque modéré à élevé de biais de la part des chercheurs, notamment celles qui utilisaient une conception d'essai en ouvert. Les méthodes d'étude variaient également de manière significative, notamment quant au mode d'évaluation de la dépendance et de la maladie mentale. Enfin, certaines études ne comportaient ni groupe de contrôle ni randomisation.

Les chercheurs font remarquer que, comme la plupart des études excluaient les femmes présentant des pathologies mentales graves, il n'est pas possible de dire si les programmes en question seraient efficaces dans cette population.

Applications possibles

Cette recherche pourrait être utile aux décideurs et aux planificateurs de programmes désireux de mettre en place un traitement sexospécifique visant les femmes présentant des troubles liés à la consommation de substances psychoactives. Il faudra mener davantage de recherches sur les programmes destinés aux femmes présentant des comorbidités liées à la psychose ainsi qu’aux femmes résidant dans des établissements psychiatriques et aux détenues suivies pour troubles psychiatriques.

Auteur·e·s

Samantha Johnstone1, Gil Angela Dela Cruz1, Natalie Kalb1, Smita Vir Tyagi2, Marc N. Potenza3,4,5,6, Tony P. George1 et David J. Castle1

  1. Division de traitement des dépendances et Centre d’interventions complexes (CIC), Centre de toxicomanie et de santé mentale (CAMH) et Département de psychiatrie de l’Université de Toronto, Toronto, Ontario, Canada
  2. Départements de psychiatrie et de neurosciences et Centre d’étude de l’enfant, Faculté de médecine de l’Université Yale, New Haven, Connecticut, É.‑U.
  3. Équipe d’évaluations et de consultations psycholégales, CAMH, Toronto, Ontario, Canada
  4. Centre d’étude de l’enfant, Centre de santé mentale du Connecticut, New Haven, Connecticut, É.‑U.
  5. eWomen’s Health Research, Université Yale, New Haven, Connecticut, É.‑U.
  6. Institut Wu Tsai des neurosciences de l’Université Yale, New Haven, Connecticut, É.‑U.

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