En bref
Un groupe international composé de 32 spécialistes en divers domaines s'est attelé à la création d'un cadre de référence fondé sur les données probantes et l'expertise professionnelle dans le but de guider les responsables de la santé et de la santé publique durant la période de sortie de l'état d'urgence sanitaire résultant de la pandémie de COVID 19. Sur la base d'une recherche documentaire et d'échanges structurés, ces spécialistes ont formulé une série de mesures que les responsables pourraient prendre pour gérer en douceur et en toute sécurité la période de relèvement post-pandémie. Le cadre de référence comprend dix impératifs, répartis en six groupes : focalisation sur les personnes; analyse contextuelle; acquisition de connaissances et préparation; recadrage, optimisation et organisation; définition de perspectives nouvelles; communication d'urgence.
État de la question
Plus que tout autre problème sanitaire rencontré par notre génération, la pandémie de COVID-19 a mis à rude épreuve les autorités sanitaires du monde entier, car peu de gouvernements étaient préparés à gérer efficacement la situation. Or, même si le taux de vaccination des populations augmente, on s'attend à ce que l'atteinte de l'immunité collective, à l'échelle internationale, prenne plus de temps qu'on ne l'avait initialement prévu.
Les implications profondes de cette crise mondiale et les défis uniques qu'elle présente pour les autorités requièrent des orientations claires sur la manière de gérer cette phase de la pandémie. Fondée sur des données probantes, la déclaration de consensus dont il est question ici fournit un cadre décisionnel – en d’autres termes, des mesures phares que les autorités peuvent prendre pour gérer en douceur et en toute sécurité la phase de relèvement post-pandémie.
Ce cadre de référence est la création conjointe de 32 praticien.ne.s, chercheuses et chercheurs œuvrant dans divers aspects de la prise de décisions en matière de santé, de soins de santé, de santé publique et des domaines connexes. À cette fin, ces spécialistes se sont appuyé.e.s sur une recherche documentaire et un dialogue structuré en plusieurs étapes. La déclaration de consensus est l'aboutissement de six cycles de commentaires, avec révisions et synthèse à la clé.
Quelles sont les idées présentées?
Les auteur.e.s estiment que la phase de relèvement de la pandémie présente des défis uniques pour les responsables, à qui il revient, entre autres, de trouver un équilibre entre des priorités concurrentes, maintenir la motivation du personnel soignant et éviter l'épuisement professionnel. Cette phase ouvre également des possibilités sans précédent.
Dans cette déclaration de consensus, les auteur.e.s présentent un cadre de référence indiquant les capacités correspondant à chaque mesure suggérée, ainsi que des thèmes de réflexion pour aider les responsables à évaluer leurs propres capacités en termes de leadership et d'organisation.
Les auteur.e.s classent en six catégories les impératifs que doivent se fixer les responsables :
- Focalisation sur les personnes
- Saluer le dévouement, la résilience et les réalisations du personnel médical.
- Évaluer le degré de stress des membres du personnel médical, comprendre leurs difficultés, leur demander leur avis et favoriser leur bien-être et leur résilience.
- Analyse contextuelle (avec focalisation sur le présent et l’avenir)
- S'attacher à bien connaître le contexte local et mondial actuel de la crise en consultant des sources d'information fiables et en faisant appel à des experts de premier plan pour la prise des décisions et l'élaboration des politiques.
- Mener une réflexion axée sur les systèmes et recourir à des projections éclairées pour déterminer quels sont les changements qui devraient être provisoires et ceux qui sont susceptibles de s’installer de façon permanente.
- Acquisition de connaissances et préparation (avec focalisation sur le passé et l’avenir)
- Se préparer concrètement aux urgences futures en analysant les performances au cours des premiers stades de la pandémie, et ce, aux niveaux des personnes, des départements et des établissements, ainsi qu'au niveau inter-établissements.
- S'assurer que les ressources nécessaires (humaines, technologiques et matérielles) sont en place, ce qui inclut une chaîne d'approvisionnement fiable.
- Recadrage, optimisation et organisation (avec focalisation sur le présent)
- Faire une réévaluation périodique et explicite des priorités et motiver les membres du personnel en leur parlant des constantes – c’est-à-dire de ce qui ne change pas en dépit de la volatilité de la situation.
- Réexaminer de manière critique et en collaboration avec les membres du personnel, les conditions d'une performance optimale (à l'échelle des équipes, de l'établissement et du système).
- Gérer la demande pour les services antérieurement suspendus et envisager des améliorations en se gardant d'éviter l'épuisement professionnel et la détresse psychique.
- Définition de perspectives nouvelles (avec focalisation sur l’avenir)
- Tirer parti, à long terme, des leçons apprises, ainsi que des initiatives de collaboration, des alliances et des innovations fructueuses.
- Promouvoir une culture où chacun se sent en sécurité pour proposer de nouvelles idées et innover de façon spontanée sans avoir à obtenir de permission, tout en restant en phase avec la stratégie commune.
- Communication d'urgence
- Communiquer régulièrement et clairement avec le personnel et les parties prenantes, d'une manière qui favorise la confiance.
- Fournir aux pouvoirs publics, à d'autres instances, aux membres du personnel et au public des informations et des recommandations en matière de sécurité afin de rendre les soins plus équitables et mieux intégrés, et de contribuer à une meilleure préparation aux situations d'urgence à l'échelle du système.
Applications possibles
Ce rapport propose aux responsables de la santé et de la santé publique un modèle destiné à les guider dans la période de sortie de la pandémie de COVID-19. Il pourrait également être utile pour renforcer la résilience des établissements et leurs capacités, stimuler l'innovation en leur sein et les préparer aux situations d'urgence.
Recommandation pour des recherches ultérieures
Les auteurs signalent qu'il serait utile de valider leur modèle dans d'autres contextes à l’échelle mondiale et dans d'autres secteurs.
Auteur.e.s
Jaason M. Geerts1 Donna Kinnair2, Paul Taheri3, Ajit Abraham4, Joonmo Ahn5, Rifat Atun6, Lorena Barberia7, Nigel J. Best8, Rakhi Dandona9, Adeel Abbas Dhahri10, Louise Emilsson11, Julian R. Free12, Michael Gardam13, William H. Geerts14, Chikwe Ihekweazu15, Shanthi Johnson16, Allison Kooijman17, Alika T. Lafontaine18, Eyal Leshem19, Caroline Lidstone-Jones20, Erwin Loh21, Oscar Lyons22, Khalid Ali Fouda Neel23, Peter S. Nyasulu24, Oliver Razum25, Hélène Sabourin26, Jackie Schleifer Taylor27, Hamid Sharifi28, Vicky Stergiopoulos29, Brett Sutton30, Zunyou Wu31, Marc Bilodeau32
- Canadian College of Health Leaders, Recherche et développement, Ottawa, Ontario, Canada; École de commerce Bayes de l’Université de Londres, Londres, Royaume-Uni
- Collège royal des sciences infirmières, Marylebone, Londres, Royaume-Uni
- Faculté de médecine de l’Université Yale, New Haven, Connecticut, États-Unis
- Barts Health NHS Trust, Royaume-Uni; Collège militaire : Leadership en santé, Londres, Royaume-Uni
- Département de la Fonction publique de l’Université de Corée, Séoul, Corée du Sud
- Université de Harvard, Systèmes de santé mondiaux, département de santé et population mondiales de l’École de santé publique Harvard TH Chan, Boston, Massachusetts, États-Unis
- Faculté des sciences politiques de l’Université de São Paulo, São Paulo, Brésil; Réseau de recherche solidaire Polítiques publiques et société de l’Observatoire COVID-19, Brésil
- Mission des Nations Unies au Soudan du Sud (MINUSS), Djouba, Soudan du Sud
- Fondation de santé publique de l'Inde, Gurgaon, Inde; Université de Washington, département des Sciences de mesure de la santé de l’Institut de mesure et d’évaluation de la santé, Seattle, États-Unis
- Hôpital Royal Infirmary of Edinburgh, Édimbourg, Royaume-Uni
- Faculté de médecine générale de l’Université d’Oslo, Institut de santé publique, Oslo, Norvège; département d'Épidémiologie médicale et de biostatistique de l’Institut Karolinska, Stockholm, Suède; Centre de santé de Värmlands Nysäter et Centre de recherche clinique, Conseil général du comté de Värmland, Värmland, Suède; Faculté de médecine et de santé de l’Université d'Örebro, Örebro, Suède
- Université de Lincoln, Lincoln, Royaume-Uni
- Directeur général de Santé Î.-P.-É., Charlottetown, Canada; Faculté de médecine de l’Université de Toronto, Toronto, Ontario, Canada
- Faculté de médecine de l’Université de Toronto, Centre Sunnybrook des sciences de la santé, Toronto, Ontario, Canada
- Centre nigérian de lutte contre la maladie, Jabi, Abuja, Nigéria
- École de santé publique de l’Université de l’Alberta, Edmonton, Alberta, Canada
- Organisation mondiale de la santé, Patients pour la sécurité des patients, Genève, Suisse; Patients pour la sécurité des patients Canada, Edmonton, Alberta, Canada
- Département d’anesthésiologie et de médecine de la douleur de l’Université de l’Alberta, Edmonton, Alberta, Canada; Association médicale canadienne, First Nations Health Authority, Indigenous Physicians Association of Canada, West Vancouver, Colombie-Britannique, Canada
- Institut des voyages et de la médecine tropicale du Centre médical Chaïm Sheba (aussi appelé hôpital Tel HaShomer), Ramat Gan, Israël; Faculté de médecine de l’Université de Tel-Aviv, Tel-Aviv, Israël
- Indigenous Primary Health Care Council, Toronto, Ontario, Canada
- Centre de recherche appliquée en santé de l’Université Monash, Clayton, Australie; Hôpital Saint-Vincent, East Melbourne, Australie
- Université d’Oxford, département Nuffield des Sciences chirurgicales, division des sciences médicales de l’hôpital John Radcliffe, Headington, Oxford, Royaume-Uni
- Faculté de médecine de l’Université du Roi Saoud, Riyad, Arabie saoudite
- Université de Stellenbosch, Faculté de médecine et de sciences de la santé, Division d’épidémiologie et de biostatistique du département de Santé mondiale, Cape Town, Afrique du Sud
- École de santé publique de l’Université de Bielefeld, Allemagne
- Association canadienne des ergothérapeutes, Nepean, Ontario, Canada; Groupe d'intervention action-santé, Ottawa, Ontario, Canada
- London Health Sciences Centre, London, Ontario, Canada; Université de Toronto, département de Thérapie physique, Faculté de médecine Temerty, Toronto, Canada
- Centre de recherche sur la surveillance du sida et des ITS et Centre collaborateur de l’OMS pour la surveillance du VIH, Institut d’études prospectives en santé de l’Université des sciences médicales, Kerman, Iran
- Centre de toxicomanie et de santé mentale, Toronto, Ontario, Canada; Université de Toronto, département de Psychiatrie et Institut des politiques, de la gestion et de l'évaluation de la santé, Toronto, Ontario, Canada
- Département de la Santé, Melbourne, Victoria, Australie; École de santé publique et de médecine préventive de l’Université Monash, Melbourne, Australie
- Centre chinois de contrôle et de prévention des maladies, Beijing, Chine; division de la Prévention du VIH du Centre national de contrôle et de prévention du sida et des ITS, Beijing, Chine; Université de Californie, département d’Épidémiologie de l’École Fielding de santé publique de l’Université de Californie à Los Angeles (UCLA), Los Angeles, États-Unis
- Médecin général, Forces armées canadiennes, Ottawa, Ontario, Canada
Remerciements
Cette activité d’échange de connaissances a bénéficié du soutien du réseau d’échange de connaissances EENet, intégré au Programme de soutien au système provincial du Centre de toxicomanie et de santé mentale (CAMH). Il n’aurait pas pu voir le jour sans l’apport financier du ministère de la Santé de l'Ontario (MSO). Les vues qui y sont exprimées ne représentent pas nécessairement celles du MSO ni de CAMH.