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Points de vue sur la recherche : Les répercussions du racisme sur la santé mentale des enfants et des adolescent.e.s

Comment aborder les répercussions du racisme sur la santé mentale des enfants et des adolescent.e.s du Canada

En bref

Le racisme systémique influe négativement sur une multitude de résultats de santé, notamment la santé mentale des jeunes Canadien.ne.s, et sur de multiples plans : l'accès aux soins, l'expérience auprès des services de santé mentale et les résultats des soins prodigués. Au Canada, il n'existe aucun cadre de pratiques exemplaires réunissant la recherche, l'enseignement et les soins cliniques destinés aux jeunes racisé.e.s. Les efforts concertés visant à recueillir des données fondées sur la race sont également insuffisants. Dans les cours de médecine de cycle supérieur, il n’existe aucun guide sur la façon de dispenser un enseignement et une formation antiracistes concernant la santé mentale des enfants au Canada. Un plan détaillé s’impose pour améliorer les services destinés aux jeunes Canadien.ne.s racisé.e.s afin d’élaborer et de mettre en œuvre les éléments suivants :

  1. Un programme de recherche financé et durable qui tient compte de l’expertise communautaire.
  2. Un groupe de travail sur les enfants et les adolescent.e.s canadien.ne.s axé sur l’élaboration de stratégies en enseignement de cycle supérieur et en formation continue.  
  3. Des paramètres cliniques améliorant l’accès des jeunes Canadien.ne.s racisé.e.s aux soins et leur expérience des soins prodigués.

Contexte

La discrimination raciale a une incidence néfaste sur les enfants et les adolescent.e.s du Canada. Or, jusqu’à tout récemment, la recherche et l’enseignement de la médecine soulignaient rarement les effets des facteurs structurels et du racisme systémique sur la santé mentale des jeunes Canadien.ne.s racisé.e.s.

La recherche antérieure a démontré que le racisme mine l’estime de soi et la conscience de sa propre valeur dès la petite enfance. Les expériences de discrimination systémique vécues au cours de l’enfance suscitent de la rage et du désespoir, ce qui nourrit la dépression et l’anxiété et augmente le risque de suicide et de recours à de mauvaises stratégies d’adaptation comme l’usage de substances psychotropes. L’exposition répétée et persistante au racisme systémique est une forme de stress chronique qui entraîne des effets néfastes sur la santé, plus particulièrement sur la santé mentale, tout au long de la vie.

La recherche a démontré que le racisme systémique influe sur l’accès aux soins de santé mentale et sur les expériences connexes. Au Canada, les jeunes Noir.e.s doivent patienter deux fois plus longtemps pour obtenir des services de santé mentale, sont moins porté.e.s à accéder volontairement aux services de santé mentale et sont plus susceptibles d’y accéder par l’entremise d’un service des urgences ou du système de justice pénale.

Au Canada, les jeunes Autochtones doivent surmonter des défis particuliers en matière de santé mentale, en raison d’un traitement inégal persistant au cours de nombreuses années de colonisation, d’un génocide culturel et d’un sous-financement chronique. Cet héritage historique s’est traduit par un traitement inéquitable dans les systèmes d’éducation, de santé et de justice pénale, ainsi que dans l’infrastructure.

Méthodes

Les chercheur.euse.s se sont penché.e.s sur les effets du racisme systémique et sur l’orientation future des mesures à prendre pour susciter un changement et pour remédier à la discrimination raciale dans les services de santé mentale destinés aux enfants et aux adolescent.e.s canadien.ne.s. Le but de cette recherche est de veiller à ce que les milieux cliniques soient repensés pour mieux servir les jeunes racisé.e.s, et d’introduire un cadre antiraciste dans les secteurs de l’éducation, de la formation et de la recherche en ce qui a trait à la santé mentale des enfants et des adolescent.e.s.  

Conclusions de la recherche

Pour être efficaces, les interventions cliniques auprès d’enfants et de familles issu.e.s de divers groupes raciaux doivent inclure un engagement en faveur de l’adaptation des soins cliniques aux différences culturelles, engagement qui intègre une compréhension des répercussions du racisme systémique sur les modèles d’éducation des enfants, sur l’évaluation de la capacité de parenter et sur la thérapie familiale. 

La participation de jeunes issu.e.s de divers groupes raciaux, de leur famille et de leur collectivité à la prestation de soins efficaces peut contribuer à l’élaboration de soins axés sur les jeunes et qui répondent aux besoins des jeunes racisé.e.s et de leur famille. L’amélioration des services destinés à ces jeunes implique aussi la prise en compte de la conception des milieux cliniques, notamment :

Les chercheur.euse.s sont d’avis qu’il faut respecter les connaissances des jeunes racisés et de leur famille sur leurs propres expériences. Ils recommandent de mettre au point des méthodes pour mesurer l’efficacité des soins prodigués aux jeunes racisé.e.s et recueillir des données fiables fondées sur la race afin de déterminer si le personnel des services cliniques comprend un nombre proportionnel de personnes racisées et si ces mêmes services sont offerts à des nombres proportionnels de personnes racisées, de comprendre l’expérience des minorités racisées à l’égard des soins prodigués, et de cerner les différences fondées sur la race en ce qui concerne les résultats de santé mentale.  

Les chercheur.euse.s font remarquer qu’il est primordial de comprendre la réticence à recueillir des données fondées sur la race, en particulier de la part des communautés autochtones et noires, car celles-ci pourraient considérer la collecte de données comme une forme de surveillance policière.

Les professeur.e.s de médecine de cycle supérieur doivent élaborer une stratégie canadienne d’enseignement de la psychiatrie infantile et de la psychiatrie de l’adolescent qui tient compte de l’effet de la discrimination raciale sur la santé mentale de l’enfant. Un modèle pédagogique efficace doit comprendre le perfectionnement du corps professoral ainsi qu’un enseignement didactique et des expériences cliniques offerts aux résident.e.s en médecine, y compris des volets sur l’antiracisme et le racisme institutionnel. Les professeur.e.s de médecine de cycle supérieur recommandent également l’acquisition de compétences en défense des droits et l’utilisation d’une approche de compétence structurelle pour veiller à favoriser une compréhension du racisme en tant que déterminant de la santé au niveau systémique plutôt qu’individuel.  

L’enseignement doit regrouper des pratiques didactiques et réflexives qui reconnaissent et énoncent l’existence du racisme systémique en tant que déterminant de la santé mentale, tout en invitant les participant.e.s à chercher à comprendre véritablement les personnes racisées dans un contexte sociopolitique et historique canadien.

On doit envisager l’élaboration d’outils pédagogiques qui encouragent la formation continue relative aux effets du racisme sur la santé mentale de l’enfant, et auxquels tous les psychiatres exerçant auprès des enfants et des adolescent.e.s peuvent accéder librement. Les chercheur.euse.s avancent également que le Collège royal doit exiger une telle formation pour tous les résident.e.s des sous-spécialisations de la psychiatrie infantile et de la psychiatrie de l’adolescent.

Applications possibles

L’accès aux soins pour les jeunes Canadien.ne.s racisé.e.s et le manque de diversité au sein des équipes de soins de santé continuent de poser un défi. Favoriser une plus grande diversité chez les fournisseurs de soins de santé, plus particulièrement par l’inclusion de fournisseurs noirs et autochtones, devrait être une priorité pour la santé mentale des enfants canadien.ne.s, de même que l’amélioration des soins adaptés aux différences culturelles.

Les personnes qui occupent un poste de leader, en particulier celles qui ne sont pas membres de collectivités sous‑desservies, peuvent servir d’alliés efficaces en reconnaissant et en valorisant l’expertise des professionnel.le.s racisé.e.s qui occupent un poste de leader ou qui siègent aux comités d’orientation. Elles peuvent également exercer des pressions pour obtenir les fonds requis auprès d’établissements d’enseignement et d’organismes subventionnaires pour que cet enjeu soit considéré prioritaire et bénéficie d’un soutien continu.

Auteur.e.s

Amy Gajaria, MD, FRCPC1; Jaswant Guzder, MDCM, FRCPC2; Raj Rasasingham, MD, FRCPC, DAPN3

  1. Psychiatre membre du personnel, Centre de toxicomanie et de santé mentale (CAMH); professeure adjointe, département de psychiatrie, Université de Toronto; clinicienne-chercheuse, Margaret and Wallace McCain Centre for Child, Youth & Family Mental Health, Toronto (Ontario).
  2. Professeure, Département de psychiatrie de l’Université McGill, Division de la psychiatrie sociale et transculturelle, Division de la psychiatrie infantile; Institut de psychiatrie communautaire et familiale, Montréal (Québec)
  3. Directeur, formation continue et développement de la pratique, département de psychiatrie, Université de Toronto; directeur, enseignement de cycle supérieur, service de psychiatrie, Humber River Hospital; chef clinique, services ambulatoires pour enfants et adolescents, Humber River Hospital; chef de section, psychiatrie mondiale, Académie canadienne de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, Toronto (Ontario)

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