Aperçu
On constate une recrudescence des surdoses dans tout l’Ontario, mais les collectivités du Nord, dont la Ville du Grand Sudbury, sont tout particulièrement touchées par ce problème. Pour y remédier, les gouvernements fédéral et provincial approuvent et, dans certains cas, financent des services de consommation supervisée où les personnes peuvent apporter leur propre drogue et la consommer sur place sous la supervision d’un personnel formé. Ainsi, à Sudbury, l’ouverture d’un centre offrant ce genre de service, The Spot, a été approuvée par le gouvernement provincial, mais sans aide financière. L’équipe de recherche a mené une étude pour évaluer les effets de ce service pour les usagers de drogues de Sudbury et déterminer les possibilités de l’améliorer. L’étude a montré que le service offrait de nombreux avantages à la collectivité et pouvait réduire les risques associés à la consommation de drogues, y compris les surdoses mortelles.
Titre du rapport et lien pour le consulter : Preliminary Assessment of Sudbury Ontario’s First Supervised Consumption Service (“The Spot”): Final Report
Équipe de recherche : Farihah Ali, Cayley Russell, Ashima Kaura, Rachael Pfeil, Peter Leslie, Shaun Hopkins, Leslie Buckley, Samantha Wells
Année et lieu : Sudbury, en Ontario, décembre 2022
Populations cibles : Personnes qui consomment des drogues
Personne-ressource : Farihah Ali à farihah.ontcrism@gmail.com
Objet du rapport de recherche
L’équipe de recherche a réalisé une étude pour évaluer les effets d’un service de consommation supervisée, appelé The Spot, à Sudbury, en Ontario. Les collectivités du Nord de l’Ontario, dont la Ville du Grand Sudbury, connaissent une importante augmentation des cas de surdoses. Dans cette région, les décès liés aux opioïdes représentent le double de la moyenne provinciale. Les pouvoirs publics contribuent à résoudre ce problème en finançant des services de consommation supervisée, où les personnes peuvent apporter leur propre drogue et la consommer sur place sous la supervision d’un personnel formé.
En 2022, le gouvernement du Canada a approuvé l’ouverture de The Spot, qui a été aménagé dans une petite roulotte. Si le centre n’a pas reçu d’aide financière du gouvernement provincial, le conseil municipal de Sudbury lui a alloué en 2022 un financement pour un an d’un montant de 1,1 million de dollars. S’il veut bénéficier d’un financement public durable, The Spot devra prouver qu’il satisfait en permanence aux exigences fédérales et provinciales.
Le rapport traite des effets du centre The Spot pour les personnes qui consomment des drogues dans la Ville du Grand Sudbury et des possibilités d’améliorer le service.
Méthode
Cette évaluation consistait en un sondage de cinq minutes visant à recueillir des données démographiques et le profil de consommation de substances psychoactives de 20 personnes ayant utilisé la salle de consommation. Par ailleurs, neuf membres du personnel et 20 clients ont été interrogés individuellement sur la manière dont ils percevaient le centre et ses effets sur les pratiques de consommation de drogues et les méfaits associés. L’équipe de recherche a également combiné les données relatives à l’utilisation du centre et les profils de ses utilisateurs.
Réponses des participants
D’après les données, l’utilisation des services de consommation a augmenté de façon constante au cours de la période d’étude de six mois. Deux cent cinquante-six personnes se sont présentées au centre, pour 706 visites au total. Parmi elles, 24 ont bénéficié d’un soutien par les pairs, c’est-à-dire d’un accompagnement dans la salle de consommation. La drogue la plus consommée par voie intraveineuse était le fentanyl, avec 452 injections.
Le personnel s’est occupé de neuf cas de surdose, dont deux ont nécessité l’administration de naloxone. Le centre a également distribué du matériel de réduction des méfaits aux personnes consommant des drogues, dont seringues, tampons d’alcool et eau stérile.
Les réponses des personnes interrogées se recoupaient sur nombre de points :
- les participants et le personnel ont déclaré que le centre permettait de réduire le nombre de surdoses et de traiter ces dernières, et que les personnes consommant des drogues y trouvaient un cadre sécurisé et accueillant ;
- l’avantage du centre le plus couramment cité par les usagers était le sentiment de sécurité accru qu’il leur procurait ;
- les participants ont déclaré que le centre pouvait amener les personnes consommant des drogues à délaisser les espaces publics, réduisant ainsi les attitudes stigmatisantes à leur endroit ;
- la majorité des participants ont déclaré que le personnel du centre était accueillant et sympathique, que ses compétences et sa formation leur inspiraient confiance, qu’il les mettait à l’aise et que leurs interactions avec lui étaient positives et non stigmatisantes ;
- les participants ont dit apprécier la présence au centre de pairs aidants, qui avaient une expérience vécue de la consommation de drogues et de la réduction des méfaits ;
- les participants ont indiqué que l’une des failles du centre était qu’il n’offrait pas de services d’inhalation, étant donné que nombre d’entre eux utilisaient à la fois des drogues par injection et par inhalation ; ils ont également estimé que le centre devrait permettre le partage et le fractionnement des drogues entre les usagers ;
- autres obstacles signalés : l’emplacement du centre (situé à 5 minutes en auto ou 15 à 20 minutes à pied du centre-ville) et les heures d’ouverture (de 10 h à 16 h, 7 jours par semaine) ne correspondant pas aux heures où ses services sont généralement recherchés ;
- beaucoup de participants n’étaient pas au courant que le centre offrait un service d’analyse des drogues pour déterminer si elles contiennent du fentanyl ou d’autres substances toxiques ;
- a également été mentionnée la limitation du financement qui pose des difficultés concernant la dotation en personnel, les heures d’ouverture et l’infrastructure (dont le manque d’intimité dans la salle de consommation).
Recommandations pour améliorer le centre
Les participants ont fait plusieurs suggestions pour améliorer l’utilisation des services du centre et le pérenniser :
- sensibiliser la collectivité au fait que le centre peut réduire la consommation de drogues dans les rues ;
- transférer le site au centre-ville de Sudbury, là où se trouvent la majorité des personnes qui consomment des drogues ;
- améliorer l’aménagement du centre – en y installant des cloisons de séparation pour plus d’intimité, par exemple ;
- ajouter un service d’inhalation ;
- prolonger les heures d’ouverture.
Applications possibles
Ce rapport donne un aperçu des points de vue des personnes qui consomment des drogues dans le service de consommation supervisée de Sudbury et du personnel qui y travaille. Ses conclusions peuvent servir aux décideurs et aux chercheurs qui souhaitent mettre en place ce type de services dans d’autres collectivités.