En bref
L’Ontario connaît l’un des taux les plus élevés de méfaits associés à l’usage de substances psychoactives au Canada. Or, le système de soins est fragmenté et il est compliqué de s’y orienter. Afin de mieux comprendre les options en matière de traitement en établissement, l’équipe de recherche a analysé les informations contenues dans une base de données relatives à tous les programmes de traitement en établissement financés par la province. Elle a constaté qu’il y avait peu d’informations détaillées à la disposition du public à propos des programmes (p. ex. traitements d’amorce ou d’entretien par agonistes opioïdes offerts ou non), des temps d’attente et des frais. En outre, elle a observé des différences importantes et une absence de standardisation des programmes de traitement en établissement en Ontario.
Objet de la recherche
L’Ontario connaît l’un des taux les plus élevés de méfaits associés à l’usage de substances psychoactives au Canada. Des services de traitement en établissement prennent en charge les personnes ayant des troubles liés à l’usage de ces substances. Ces services sont certes nécessaires, mais le système de soins est fragmenté et il est compliqué de s’y orienter. Difficile donc pour les gens de savoir quelles sont les options de traitement disponibles et lesquelles leur conviendraient le mieux.
Afin de mieux comprendre les options actuelles en matière de traitement en établissement en Ontario, l’équipe de recherche a procédé à une analyse environnementale. Cette méthode de recherche repose sur une approche systématique pour recueillir des informations sur un sujet donné.
Méthode
De mai à août 2023, l’équipe de recherche a consulté le portail des services de santé ConnexOntario, une base de données financée par le gouvernement, afin de recueillir des informations sur tous les programmes de traitement en établissement subventionnés par les pouvoirs publics en Ontario. Elle a recueilli les données suivantes pour chaque organisme :
- nom
- emplacement
- description du programme
- type de programme (p. ex. programme de traitement des dépendances en établissement ou programme résidentiel d’aide au rétablissement)
- critères d’admissibilité
- population visée
- politiques relatives au recours à un traitement par agonistes opioïdes
- nombre de lits disponibles
- durée minimale et maximale des séjours ou des temps d’attente
- source de financement
- frais
Ont été écartés les programmes de logements souples et de transition, ainsi que les programmes de consommation contrôlée d’alcool, de stabilisation ou de gestion du sevrage et les programmes financés par le secteur privé. En revanche, l’équipe a inclus les programmes privés qui comportaient des volets financés par le secteur public.
Conclusions de la recherche
En Ontario, il existe deux types de programmes de traitement en établissement :
- les programmes de traitement des dépendances qui fournissent habituellement un traitement structuré, intensif et d’une durée limitée ;
- les programmes d’aide au rétablissement, d’une moindre intensité, qui sont accompagnés de services et de soutiens d’intensité faible à modérée et durent généralement plus longtemps que les précédents.
Au moment de l’analyse, l’Ontario comptait trois fois plus de programmes de traitement des dépendances en établissement que de programmes résidentiels d’aide au rétablissement, soit 102 et 36 respectivement.
Il existait de grandes différences entre les régions quant à la disponibilité des programmes de traitement en établissement.
L’équipe de recherche a également constaté que le portail des services de santé ConnexOntario comportait peu d’informations détaillées sur les services offerts (p.ex. traitements d’amorce ou d’entretien par agonistes opioïdes offerts ou non).
Différences régionales
La région de l’Ouest comptait la plus grande proportion de programmes de traitement des dépendances en établissement dans la province, suivie du Nord. Par ailleurs, la capacité d’accueil (nombre de lits par habitant) de ces régions est la plus élevée, qu’il s’agisse des programmes de traitement des dépendances en établissement ou des programmes résidentiels d’aide au rétablissement.
De manière assez intéressante, si la région du Nord affichait les temps d’attente parmi les plus courts dans la province pour les programmes d’aide au rétablissement, elle présentait de loin, en revanche, les temps d’attente les plus longs pour les programmes de traitement des dépendances en établissement.
Par ailleurs, alors que la région du Nord représente presque 90 % de la superficie terrestre de l’Ontario, la majorité des programmes de traitement en établissement se trouve dans les quatre grands centres urbains, soit Kenora, Thunder Bay, Timmins et Sudbury.
Dans l’Est, le Centre et la région de Toronto, les temps d’attente moyens étaient relativement longs. Dans la région de l’Est, les temps d’attente pour les deux types de programmes étaient plus longs que les moyennes provinciales et, par rapport aux autres régions, le nombre de lits y était l’un des plus faibles.
Programmes en fonction du sexe
Il existait d’importantes différences en fonction du sexe. Ainsi, un grand nombre de programmes de traitement des dépendances en établissement n’offraient des services qu’aux hommes. En Ontario, presque la moitié des 1 423 lits que comptent les établissements de traitement étaient réservés aux hommes, et plus de la moitié des lits restants aux hommes ou aux femmes. Dans la province, près des deux tiers des services résidentiels d’aide au rétablissement étaient destinés aux hommes, et ces services comptaient plus de cinq fois plus de lits pour les hommes que pour les femmes.
Les temps d’attente moyens pour être admis dans un programme résidentiel d’aide au rétablissement étaient presque deux fois plus longs pour les femmes que pour les hommes. Il convient de noter qu’il n’existe aucun service résidentiel d’aide au rétablissement qui accepte des femmes dans la région de Toronto.
Programmes conçus spécialement pour les jeunes
Seuls 11 % des programmes de traitement des dépendances en établissement étaient conçus spécialement pour les jeunes, dont la moitié dans la région Ouest et un quart dans la région Est. La région de Toronto ne comptait aucun programme de ce genre.
Programmes conçus spécialement pour les Autochtones
Dans le Nord, seul un programme résidentiel d’aide au rétablissement était spécialement conçu pour les Autochtones. Quatre autres programmes comptaient des volets pour les Autochtones, comme un traitement holistique alliant des activités traditionnelles et culturelles et des approches thérapeutiques occidentales. Dans la région de Toronto, aucun programme de traitement en établissement ne proposait des services ou des approches conçus spécialement pour les Autochtones.
Services fondés sur des éléments probants
La plupart des programmes de traitement des dépendances en établissement et programmes résidentiels d’aide au rétablissement acceptent des personnes ayant un trouble lié à la consommation d’opioïdes qui suivent un traitement par agonistes opioïdes (TAO). Toutefois, de nombreux programmes de traitement en établissement n’ont pas précisé s’ils avaient des services de soutien en place pour ces personnes, comme des médecins pour prescrire ou dispenser un TAO, si les clients étaient autorisés à garder sur place leur TAO ou s’ils initiaient les nouveaux clients au TAO.
Portée et limites de l’étude
L’équipe de recherche a relevé plusieurs limites à cette étude, dont les suivantes :
- l’analyse n’a peut-être pas permis de saisir avec précision tous les programmes de traitement en établissement financés par la province en raison des différentes définitions et catégories de services utilisées ;
- les nombreuses catégories de services résidentiels retenues dans l’analyse sont susceptibles d’avoir pesé sur les écarts constatés entre les régions dans les temps d’attente et la durée des programmes ;
- au moment de l’analyse, les données n’étaient peut-être pas tout à fait à jour ;
- les politiques relatives au traitement par agonistes opioïdes n’étaient pas clairement définies, y compris la définition de sevrage progressif et de désintoxication ;
- ConnexOntario ne classe pas les programmes selon le genre, mais selon le sexe, système qui ne reflète peut-être pas les pratiques des programmes en matière d’acceptation et d’intégration de populations de diverses identités de genre.
Applications possibles
Cette étude apporte un aperçu complet des options actuelles pour suivre un traitement en établissement en Ontario, y compris des détails importants sur la prestation et les caractéristiques des programmes, qui ne sont pas accessibles au public. Les résultats de l’étude peuvent contribuer à faciliter l’orientation des politiques portant sur les besoins en matière de traitements des troubles liés à l’usage de substances psychoactives et sur la planification de ces derniers.
D’après les résultats de l’étude, l’équipe de recherche a conclu qu’une plateforme complète, centralisée et coordonnée pour obtenir toutes les informations essentielles s’imposait pour minimiser les obstacles auxquels se heurtent les utilisateurs de services pour trouver et sélectionner un traitement approprié et y avoir accès.
À propos de l’équipe de recherche
Farihah Ali1,2, Justine Law1,2, Cayley Russell1,2, Nikki Bozinoff3,4,5 et Brian Rush1
- Institut de recherche en politiques de santé mentale, Centre de toxicomanie et de santé mentale, Toronto, Ontario, Canada.
- Pôle de l’Ontario, Initiative canadienne de recherche sur l’abus de substances, Centre de toxicomanie et de santé mentale, Toronto, Ontario, Canada.
- Institut de recherche en santé mentale de la famille Campbell, Centre de toxicomanie et de santé mentale, Toronto, Ontario, Canada.
- Division des dépendances, Centre de toxicomanie et de santé mentale, Toronto, Ontario, Canada.
- Département de médecine familiale et communautaire, Université de Toronto, Toronto, Ontario, Canada.