Consommation excessive d’alcool pendant la pandémie : risque plus élevé chez les femmes, ceux qui ont des soucis financiers et craignent la COVID-19, les personnes âgées et les groupes à revenus élevés
En bref
Une équipe de recherche a mené une étude pour déterminer les groupes les plus susceptibles de présenter à la fois un état de détresse psychologique et un problème de consommation d’alcool pendant la pandémie de COVID-19. Dans le cadre de l’étude, 1 005 Canadiens d’âge adulte ont répondu à un questionnaire en ligne. L’équipe de recherche a constaté que les participant.e.s divorcé.e.s, séparé.e.s, veufs/veuves ou à revenus élevés sont plus enclins à adopter une consommation à risque, comme l’hyperalcoolisation rapide, et d’être anxieux ou déprimés. Les participants qui s’inquiètent de leur situation financière et craignent de contracter la COVID-19 sont plus susceptibles de boire et de souffrir de détresse psychologique.
Les femmes sont plus susceptibles que les hommes de boire davantage pendant la pandémie. En revanche, les participants âgés d’au moins de 60 ans sont moins susceptibles de souffrir de détresse psychologique et de s’hyperalcooliser rapidement ou de boire davantage que les participants plus jeunes.
Objet de la recherche
Au début du printemps 2020, la propagation de la maladie à coronavirus 2019 (COVID-19) a déclenché une pandémie mondiale. Les restrictions imposées par les gouvernements, que ce soit dans la vie sociale ou professionnelle, pour enrayer la transmission du virus étaient sans précédent de mémoire humaine. Les chercheurs ont montré que, partout dans le monde, la pandémie et les mesures gouvernementales ont eu une grave incidence sur la santé mentale des populations.
Si les déterminants de l’anxiété, de la dépression et de la consommation problématique de substances ont largement été décrits, on a accordé moins d’attention, en revanche, aux facteurs associés à la présence simultanée de problèmes de santé mentale et de consommation de substances, connus sous le nom de « troubles concomitants ». Ce phénomène peut également être appelé double diagnostic ou troubles jumelés.
Les personnes présentant des troubles concomitants sont en moins bonne santé physique et mentale que celles présentant un seul problème. Elles utilisent également davantage les services médicaux et psychologiques, ce qui fait peser un lourd fardeau économique sur le système de santé.
En Ontario, une équipe de recherche a mené une étude visant à cerner les groupes les plus susceptibles de présenter à la fois un état de détresse psychologique et un comportement à risque en matière de consommation d’alcool pendant la pandémie en cours.
Méthodes
L’équipe de recherche a évalué si différentes habitudes de consommation d’alcool et la détresse psychologique sont liées à la conjonction de divers facteurs sociodémographiques et inquiétudes suscitées par la COVID-19. L’échantillon comprenait 1 005 Canadiens d’âge adulte (autant de femmes que d’hommes) qui avaient participé à un sondage en ligne en mai 2020.
Dans le cadre du sondage, des questions ont été posées aux participants sur leurs caractéristiques sociodémographiques, leurs soucis financiers, les conséquences de la COVID-19 sur leur travail, leur crainte de tomber malade, leur détresse psychologique ainsi que le taux et la fréquence de leur consommation d’alcool.
Conclusions de la recherche
Les résultats de l’étude révèlent que :
- les femmes sont plus susceptibles de boire davantage et d'être plus anxieuses que les hommes;
- chez les participant.e.s divorcé.e.s, séparé.e.s ou veufs/veuves, le risque d’hyperalcoolisation rapide, d’anxiété et de dépression est plus élevé;
- les participants ayant un revenu élevé ont plus tendance à adopter une consommation à risque, comme l’hyperalcoolisationrapide, et d’être anxieux ou déprimés;
- les participants qui s’inquiètent de leur situation financière et craignent de contracter la COVID-19 sont plus susceptibles de boire et de souffrir de détresse psychologique que ceux qui s’inquiètent moins. Plus l’inquiétude est grande, plus le risque de boire et de souffrir de détresse psychologique est élevé.
Par ailleurs, l’âge, soit au moins 60 ans, est associé à un risque moindre de détresse psychologique, d’hyperalcoolisation rapide et d’une augmentation de la consommation d’alcool.
Portée et limites des conclusions
L’équipe de recherche a relevé quelques limites à l’étude :
- toutes les mesures ayant été recueillies à un moment donné, il est impossible de déterminer s’il existe un lien de causalité entre les différents facteurs;
- les déclarations des participants sont peut-être inexactes ou fausses;
- comme le sondage n’était accessible qu’en ligne, l’étude ne prend pas en compte les personnes n’ayant pas d’appareils électroniques et internet.
Applications possibles
Cette étude sera utile aux professionnels de la santé publique souhaitant concevoir une campagne de promotion de la santé ciblée ainsi qu’aux planificateurs de programmes cherchant à mettre en œuvre des programmes ciblés de prévention et de traitement des troubles concomitants de santé mentale et de consommation de substances.
Auteur.e.s
Fatima Mougharbel1,2, Hugues Sampasa-Kanyinga2,3, Brandon Heidinger2, Kim Corace4,5,6, Hayley A. Hamilton7,8,9, Gary S. Goldfield2,10
- École interdisciplinaire des sciences de la santé, Université d’Ottawa, Ottawa, Ontario
- Groupe de recherche sur la vie active et l’obésité, Institut de recherche du Centre hospitalier pour enfants de l’est de l’Ontario, Ottawa, Ontario
- École d’épidémiologie et de santé publique, Université d’Ottawa, Ottawa, Ontario
- Institut de recherche en santé mentale du Royal, Ottawa, Ontario
- Faculté de médecine, Université d’Ottawa, Ottawa, Ontario
- Centre de santé mentale Royal Ottawa, Ottawa, Ontario
- Centre de toxicomanie et de santé mentale, Institut de recherche en politiques de santé mentale, Toronto, Ontario
- Centre de toxicomanie et de santé mentale, Institut de recherche en santé mentale de la famille Campbell, Toronto, Ontario
- École de santé publique Dalla Lana, Université de Toronto, Toronto, Ontario
- Département de pédiatrie, Université d’Ottawa, Ottawa, Ontario