Recherche en bref : Différences ethniques de l’état de santé mentale et de l’utilisation des services

En bref

La maladie mentale touche environ de 18 à 36 % de la population mondiale. D’après des recherches menées aux États-Unis, il existe des disparités entre les Blancs et les personnes appartenant à des minorités ethniques quand il s’agit d’avoir accès à de bons services de santé mentale et de traitement des dépendances. Si la documentation actuelle indique que les besoins insatisfaits en matière de soins de santé mentale représentent un problème persistant en Ontario, au Canada, les éléments de preuve sur les variations pouvant exister à cet égard dans les groupes ethniques minoritaires de la province restent limités. Dans une province multiculturelle comme l’Ontario, il est utile pour améliorer les services de santé mentale de comprendre les disparités dans les groupes ethniques : état de santé mentale, expériences relatives à la santé mentale et utilisation des services de santé mentale.

Objet de la recherche

L’équipe de recherche souligne comment l’état de santé mentale et les expériences relatives à la santé mentale varient selon les groupes ethniques vivant en Ontario, au Canada. Elle met en évidence trois éléments clés permettant de comprendre le lien entre la santé mentale et les besoins en matière de soins des groupes ethniques. Ces éléments sont les suivants : a) l’état de santé mentale autodéclaré, b) l’utilisation autodéclarée des services de santé mentale et c) les besoins insatisfaits en matière de soins (p. ex., absence de rendez-vous avec des fournisseurs de services de santé mentale parmi les personnes ayant des besoins en matière de soins de santé mentale).

Méthodes

L’équipe de recherche a utilisé un échantillon de la population se composant de Blancs, d’Asiatiques du Sud (p. ex., d’origine indienne, pakistanaise, bangladaise ou sri-lankaise), de Chinois et de Noirs âgés d’au moins 12 ans et vivant au Canada. La population visée par l’étude provenait d’un échantillon groupé de personnes ayant répondu à l’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes (ESCC), une enquête transversale de Statistique Canada. L’ESCC, qui a été traduite en quelque 25 langues, permet de recueillir des données sociodémographiques et relatives à la santé à partir des renseignements autodéclarés des participants.

Les facteurs liés à la santé mentale étaient les suivants :

L’ESCC ne recueillant pas directement de données sur les besoins insatisfaits en matière de soins de santé déclarés par les partipant.e.s, l’équipe de recherche a donc examiné l’utilisation des services de santé mentale au cours des 12 mois précédents parmi les personnes ayant déclaré avoir eu a) des pensées suicidaires au cours de l’année précédente ou b) une santé mentale passable ou mauvaise. L’équipe de recherche a combiné ces éléments pour obtenir une mesure composite qui rend compte des besoins insatisfaits en matière de soins de santé mentale.

Conclusions de la recherche

Concernant les facteurs liés à la santé mentale, l’équipe de recherche a relevé des différences marquées parmi les groupes ethniques.

Les répondants chinois éprouvaient le sentiment d’appartenance le plus faible, présentaient le plus mauvais état de santé mentale autodéclaré et utilisaient le moins les services de santé mentale. Ce sont également eux qui avaient le plus de besoins insatisfaits en matière de soins par rapport à tous les groupes ethniques, les Chinois âgés d’au moins 65 ans affichant le taux de prévalence le plus élevé de santé mentale passable ou mauvaise autodéclarée.

Par rapport aux quatre groupes ethniques minoritaires circonscrits par l’équipe de recherche, les répondants blancs présentaient une prévalence nettement plus élevée au cours de la vie de pensées suicidaires et de troubles de l’humeur ou de l’anxiété diagnostiqués par un médecin, ainsi que de l’utilisation des services de santé mentale au cours de l’année précédente.

Chez les répondants noirs et les répondants blancs, le sentiment d’appartenance était similaire. Parmi tous les groupes ethniques, les répondants d’origine sud-asiatique éprouvaient le sentiment d’appartenance le plus fort.

Plus de la moitié des répondants appartenant à des minorités ethniques et ayant déclaré que leur santé mentale était passable ou mauvaise avaient des besoins insatisfaits en matière de soins. Les répondants blancs et d’origine sud-asiatique étaient beaucoup plus enclins à consulter leur médecin de famille en cas de besoins en matière de santé mentale alors que les répondants chinois et noirs étaient plus susceptibles de se rendre chez leur médecin de famille ou chez un.e autre professionnel.le de la santé.  

Qu’ils soient nés au Canada ou immigrants, les répondants appartenant à des groupes ethniques minoritaires ont déclaré une prévalence moindre des troubles de l’humeur ou de l’anxiété que les répondants blancs. Ce sont les immigrants chinois qui présentaient le taux de prévalence le plus élevé de mauvaise santé mentale autodéclarée. Le taux des immigrants blancs et chinois signalant un faible sentiment d’appartenance était élevé par rapport à celui des répondants nés au Canada.

L’examen de la documentation existante a amené l’équipe de recherche à émettre l’hypothèse que des facteurs individuels, comme la honte et la stigmatisation, ainsi que des facteurs systémiques, comme le racisme institutionnalisé ou l’absence de services de santé mentale tenant compte des spécificités culturelles, expliquent peut-être la réticence des minorités ethniques à rechercher de l’aide.

Portée et limites des conclusions

L’équipe de recherche a relevé plusieurs limites. Premièrement, dans la mesure où cette étude reposait sur des données autodéclarées, des différences culturelles ou de perception de la santé mentale ont pu influencer les résultats. Deuxièmement, en raison des limites des questions posées dans le cadre de l’ESCC, l’équipe de recherche n’a pas été en mesure de déterminer si les différences ethniques observées dans les diagnostics autodéclarés de troubles mentaux résultaient des variations dans les déclarations, des comportements en matière de recherche d’aide ou de l’accès aux services de santé ou si elles reflétaient de réelles différences dans le fardeau de troubles liés à la maladie mentale. Troisièmement, l’équipe de recherche a utilisé des données de plusieurs séries de l’ESCC pour obtenir un large échantillon de participants, ce qui masque peut-être des tendances temporelles de l’état de santé mentale. Enfin, l’étude ne portant que sur l’Ontario, elle ne reflète pas forcément la situation dans des régions du Canada qui sont moins multiraciales.  

Applications possibles

L’équipe de recherche veut attirer l’attention sur la très faible utilisation des services de santé mentale et l’importance des besoins insatisfaits en matière de soins au sein des minorités ethniques. Selon elle, des études supplémentaires sont nécessaires pour comprendre et éliminer les barrières culturelles et systémiques auxquelles les minorités ethniques se heurtent. Il conviendrait également de déterminer des soutiens et des pratiques cliniques tenant compte des particularités ethniques et culturelles pour assurer des soins de santé mentale équitables et opportuns. De plus, l’équipe de recherche espère que les données recueillies dans le cadre de l’étude serviront d’estimations de référence qui pourront être comparées à des estimations futures afin de s’assurer que les améliorations des services de santé mentale et des résultats touchent équitablement tous les groupes ethniques.

Auteur.e.s

Maria Chiu1,2, Abigail Amartey1, Xuesong Wang1, Paul Kurdyak1,2,3

  1. ICES, Toronto, Ontario, Canada
  2. Institut de la politique de santé, gestion et évaluation, Université de Toronto, Toronto, Ontario, Canada
  3. Résultats sur la santé et évaluation du rendement (HOPE), CAMH, Toronto, Ontario, Canada

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