divider

Recherche en bref : En Ontario, les hommes vivant en milieu rural sont plus susceptibles de se suicider que ceux vivant en zones urbaines

Ce qu’il faut savoir

Le risque de décès par suicide est plus élevé chez les personnes vivant en milieu rural que chez celles vivant en zones urbaines. Toutefois, les recherches effectuées au Canada sur ce sujet ont livré des résultats divergents. Par ailleurs, il y a des lacunes dans les recherches quant au lien entre le fait de vivre en milieu rural et les tentatives de suicide. L’équipe de recherche a obtenu les données à partir de vastes bases de données administratives sur les décès par suicide et les tentatives de suicide en zones rurales et en zones urbaines et les a analysées pour déterminer s’il existe des différences entre ces zones. Elle a constaté que les hommes vivant en milieu rural sont presque deux fois plus susceptibles de se suicider que ceux habitant en ville. De plus, les hommes et les femmes des zones rurales présentent un risque plus élevé de faire des tentatives de suicide que les citadin.e.s.

Objet de la recherche

Des recherches antérieures menées aux États-Unis, en Chine et en Australie ont montré que les personnes vivant en milieu rural présentent un risque plus élevé de se suicider que celles habitant en ville. Toutefois, des études canadiennes ont donné des résultats contradictoires, seules certaines indiquant un lien à cet égard. Par ailleurs, il n’existe que peu de recherches sur les tentatives de suicide dans la population urbaine et rurale. Au Canada, les études sur les tentatives de suicide se sont seulement intéressées aux personnes âgées résidant dans des maisons de soins infirmiers et aux adolescents.

L’équipe de recherche a analysé les données d’une vaste base de données démographiques sur les décès par suicide et les tentatives de suicide pour déterminer s’il existe des disparités entre les Ontarien.ne.s vivant en milieu rural et en zones urbaines.

Méthode

L’équipe de recherche a utilisé des données provenant de bases de données administratives et un modèle de cas-témoins emboîtés et appariés. Ce type d’étude consiste à analyser les données de plusieurs sujets témoins en bonne santé pour chaque cas. Dans cette étude, il y avait quatre sujets témoins pour toute personne décédée par suicide et deux sujets témoins pour chaque personne ayant fait une tentative de suicide.

Concernant les cas de suicide, il s’agissait d’adultes (âgés d’au moins 18 ans) vivant en Ontario qui étaient décédés entre le 1er avril 2007 et le 31 décembre 2015. Les cas-témoins, jumelés par âge et sexe avec des cas de suicide, étaient en vie au moment du décès par suicide du cas auquel ils étaient appariés.

Concernant les cas de tentatives de suicide, il s’agissait d’adultes qui avaient tenté de se suicider entre le 1er avril 2007 et le 31 mars 2016. L’équipe de recherche n’a retenu que la première tentative de suicide observée au cours de l’année précédente. Les cas-témoins, jumelés par âge et sexe, n’avaient pas fait de tentative de suicide au moment de la tentative du cas auquel ils étaient appariés.

Conclusions de la recherche

Les risques de tentative de suicide étaient plus élevés chez les hommes et les femmes vivant en milieu rural que chez leurs homologues des zones urbaines. Les risques de décès par suicide étaient plus élevés chez les hommes vivant en milieu rural que chez les citadins. Plus le lieu de résidence était éloigné, plus les risques de décès par suicide et de tentatives de suicide augmentaient. Les personnes qui s’étaient suicidées ou avaient fait une tentative de suicide étaient plus susceptibles d’être nées au Canada et de résider dans des quartiers comptant un plus grand nombre d’habitants aux revenus modestes et vivant dans des logements précaires.

Plus les gens vivaient loin d’un centre urbain, plus le risque de décès par suicide et de tentatives de suicide avait tendance à augmenter. L’étude a également donné lieu à des constatations particulières sur les décès par suicide et les tentatives de suicide.

Décès par suicide

Sur les 9 848 personnes qui s’étaient suicidées, les hommes en représentaient près des trois quarts (73 %). Les hommes vivant dans les zones rurales les plus éloignées étaient 70 % plus susceptibles de se suicider.

Les femmes vivant en milieu rural étaient plus susceptibles de se suicider que celles des milieux urbains.

Les personnes décédées par suicide étaient plus susceptibles d’avoir fait auparavant une tentative de suicide.

Tentatives de suicide

Les hommes et les femmes vivant en milieu rural ont beaucoup plus tendance à faire des tentatives de suicide que leurs homologues des milieux urbains. Plus ils et elles vivent dans des régions éloignées, plus le risque augmente. Cela vaut tout particulièrement pour les hommes (75 % plus susceptibles de faire une tentative de suicide), tandis que pour les femmes vivant dans les régions les plus rurales, ce risque est jusqu’à 45 % supérieur que chez les citadines. Les femmes représentaient un peu plus de la moitié (52 %) des 82 180 personnes ayant fait une tentative de suicide.

Portée et limites des conclusions

L’équipe de recherche a relevé plusieurs limites concernant l’utilisation de données administratives sur la population. En particulier, les données ne permettaient pas d’effectuer une analyse de l’influence possible de facteurs comme la stigmatisation, les croyances en matière de santé et les attitudes face à la recherche d’aide sur le lien entre ruralité et suicide.

Par ailleurs, l’étude ne comportait pas de données sur le statut autochtone ou les personnes s’identifiant comme lesbiennes, gais et bisexuelles, transgenres et queer (LGBTQ). Ce point est important car, d’une part, les risques de tentatives de suicide et de décès par suicide sont plus élevés dans ces communautés que dans la population générale et, d’autre part, ces communautés se heurtent à davantage d’obstacles pour avoir accès à des soins de santé, selon des recherches antérieures.

Autre limite de l’étude : il est possible que certains suicides aient été recensés comme des accidents. Ainsi, en milieu rural, les suicides par arme à feu sont plus courants que dans les zones urbaines, où les drogues sont plus communes pour se donner la mort, ces deux situations étant plus susceptibles d’être considérées comme des décès accidentels.

Applications possibles

Cette étude peut présenter un intérêt pour les décideur.euse.s et les planificateur.trice.s de programme qui envisagent d’instaurer des interventions pour réduire le nombre de tentatives de suicide et de décès par suicide. Les auteur.e.s proposent des mesures possibles, dont amélioration de l’accès à des services de soins de santé mentale téléphoniques et en ligne, établissement d’approches communautaires et formation en matière de santé mentale et de prévention du suicide des généralistes exerçant en milieu rural. 

Les auteur.e.s soulignent également la nécessité d’adopter des approches pour réagir face aux taux élevés de suicide et de tentatives de suicide chez les hommes vivant en milieu rural et de modifier les politiques afin de garantir un accès approprié au réseau internet à haut débit dans les zones rurales.

Auteur.e.s

Rebecca Barry1, Jürgen Rehm1,2,3, Claire de Oliveira1,2,4, Peter Gozdyra5, Simon Chen5 et Paul Kurdyak1,2,5

  1. Université de Toronto, Toronto, Ontario
  2. Centre de toxicomanie et de santé mentale, Toronto, Ontario, Canada
  3. Université technique de Dresde, Dresde, Allemagne
  4. Centre de l’économie de la santé et Faculté de médecine Hull/York, Université de York, York, Royaume-Uni
  5. ICES, Toronto, Ontario, Canada

En savoir plus sur