Ce qu’il faut savoir
Fondé sur des données probantes, un traitement à la buprénorphine chez les personnes en surdose d’opioïdes entrepris au service des urgences (SU) sauve des vies. Pourtant, de 3 % à 15 % seulement des personnes traitées au SU pour une surdose liée aux opioïdes font remplir une ordonnance de buprénorphine à leur sortie de l’hôpital. L’équipe de recherche a étudié des publications qui décrivent les facteurs entravant ou facilitant l’induction d’un traitement à la buprénorphine au SU. Les résultats ont montré qu’il n’existe aucune approche coordonnée permettant la mise en œuvre de ce genre d’intervention à l’échelle nationale, que ce soit aux États-Unis ou au Canada. De nombreux services d’urgence et systèmes de santé éprouvent donc des difficultés à mettre en place et à adapter l’intervention. Parmi les facteurs facilitant l’induction d’un traitement à la buprénorphine au SU, citons le recours à des équipes pluridisciplinaires spécialisées dans les dépendances ainsi qu’à des services regroupés, à accès peu restrictif et axés sur la réduction des méfaits pour faciliter les transitions. Concernant les entraves, signalons l’absence de toute stratégie en vue de faire face aux défaillances structurelles, à la complexité des cas et à l’offre de drogues toxiques.
Objet de la recherche
Un traitement à la buprénorphine chez les personnes présentant un trouble lié à la consommation d’opioïdes (TCO) se fonde sur des données probantes et sauve des vies en cas de surdose d’opioïdes. La mise sous buprénorphine au SU est une méthode fondée sur des données probantes qui vise à endiguer la crise de surdoses d’opioïdes.
Toutefois, bien que le recours à cette méthode soit en augmentation, de 3 % à 15 % seulement des personnes traitées au SU pour une surdose liée aux opioïdes font remplir une ordonnance de buprénorphine à leur sortie de l’hôpital.
Méthode
L’équipe de recherche a réalisé une analyse systématique des publications universitaires afin de mettre en lumière les facteurs entravant ou facilitant la prescription de buprénorphine au SU. Elle a examiné plus spécifiquement l’utilisation de buprénorphine en tant que traitement par agonistes opioïdes, à titre de traitement du trouble de la consommation d’opioïdes ou de stratégie de réduction des méfaits.
Conclusions de l’étude
L’équipe de recherche a passé en revue 361 articles. La plupart des études ont été menées aux États-Unis (89,5 %), suivis par le Canada (9,7 %), l’Australie (0,5 %) et la France (0,3 %). On trouve ci-dessous quelques exemples des facteurs entravant ou facilitant l’induction d’un traitement à la buprénorphine au SU relevés dans le cadre de l’analyse documentaire. Ces derniers sont classés selon le système de santé, l’État ou le pays, le SU particulier, le prestataire de services et le client, l’innovation (buprénorphine) et la mise en œuvre du processus.
Système de santé, État ou pays
Facteurs facilitant l’induction : assouplissement de l’obligation pour les médecins de suivre un programme de formation et de certification précis pour avoir le droit de prescrire de la buprénorphine en cas de TCO ; loi exigeant que les hôpitaux comptant un SU offrent un traitement par agonistes opioïdes et un traitement des dépendances ; politiques visant à accroître les types de prestataires de soins de santé autorisés à prescrire de la buprénorphine.
Facteurs entravant l’induction : attitudes négatives à l’égard des patients présentant un TCO et de la buprénorphine ; manque de suivi ambulatoire ; problèmes opérationnels (p. ex. heures d’ouverture des cliniques, manque de moyens de transport, longs délais d’attente).
Service des urgences particulier
Facteurs facilitant l’induction : recours à des équipes pluridisciplinaires ; ordonnances et trousses à emporter d’une plus longue durée; aide pour le transport des clients.
Facteurs entravant l’induction : difficultés pour assurer un bon transfert ; dynamique du pouvoir inégale entre les prestataires de services et les clients ; discrimination fondée sur les caractéristiques des clients (p. ex. race, âge) ; expériences des clients et médiocrité attendue de la qualité des soins.
Prestataires de services et utilisateurs de services particuliers
Facteurs facilitant l’induction : soutien de la part de la direction ; prestataires de services prescrivant avec aisance de la buprénorphine ; motivation des prestataires de services et expériences positives de ces derniers lors de la mise sous buprénorphine des clients.
Facteurs entravant l’induction : embarras des prestataires de services quand il s’agit de déterminer le moment et la manière de prescrire de la buprénorphine ; difficulté des prestataires de services à établir de bons rapports avec les clients ; manque de connaissances sur la manière d’avoir accès à un traitement par agonistes opioïdes.
Innovation (buprénorphine)
Facteurs facilitant l’induction : données probantes appuyant l’utilisation de la buprénorphine dans les services d’urgence ; sentiment chez les prestataires de services que la prescription de buprénorphine vaut mieux que les pratiques en vigueur ; économies de coûts.
Facteurs entravant l’induction : critiques des méthodes appliquées lors de l’étude initiale, prise en compte insuffisante des problèmes spécifiques aux jeunes ; investissement initial important.
Processus de mise en œuvre
Facteurs facilitant l’induction : recours à une équipe de direction pluridisciplinaire ; adaptations en fonction du lieu de traitement ; stratégies d’induction nouvelles ou souples (p. ex. induction à domicile, macrodosage, microdosage).
Facteurs entravant l’induction : échec de l’engagement des parties prenantes ; incapacité à adapter des protocoles d’induction et des programmes de formation au contexte du service des urgences ; incapacité à s’adapter à l’offre de drogue en constante évolution.
Portée et limites de l’étude
Les auteur·e·s du document n’ont pas examiné les données produites hors des circuits de publication et de distribution traditionnels. Ils ont souligné que l’examen d’autres genres de publications et d’articles, ni en anglais ni en français, aurait permis de dresser un tableau de la situation plus complet. En outre, selon eux, la littérature fournit peu de renseignements sur les caractéristiques ou les positions sociales des participants (p. ex. race, genre, sexe, sexualité, conditions de logement et ruralité), ce qui peut limiter l’interprétation des résultats.
Applications possibles
Cette étude peut aider les hôpitaux à optimiser la mise en œuvre de l’induction d’un traitement à la buprénorphine et d’un traitement par agonistes opioïdes au SU. La prise en compte des structures de l’oppression et de la dynamique du pouvoir mentionnés dans l’étude peut permettre aux SU de répondre de manière plus efficace et équitable à la crise des opioïdes.
À propos de l’équipe de recherche
Nikki Bozinoff1,2, Erin Grennell2,3, Charlene Soobiah4, Zahraa Farhan5, Terri Rodak6, Christine Bucago7, Katie Kingston8, Michelle Klaiman9, Brittany Poynter7,10, Dominick Shelton11, Elizabeth Schoenfeld12 et Csilla Kalocsaij13
- Institut de recherche en santé mentale de la famille Campbell, Centre de toxicomanie et de santé mentale, 1001, rue Queen ouest, Toronto, Ontario, Canada
- Département de médecine familiale et communautaire, Université de Toronto, 500, avenue University, Toronto, Ontario, Canada
- Faculté de médecine Temerty, Université de Toronto, 1, King’s College Circle, Toronto, Ontario, Canada
- Institut de la politique de santé, prise en charge et évaluation, Université de Toronto, 155, rue College, Toronto, Ontario, Canada
- Major Program in Mental Health Studies, Université de Toronto, 1265, Military Trail, Scarborough, Ontario, Canada
- Bibliothèque des sciences de la santé mentale de CAMH, Département de l’enseignement, Centre de toxicomanie et de santé mentale, 1025, rue Queen ouest, Toronto, Ontario, Canada
- Service d’urgence Gerald Sheff et Shanitha Kachan, Centre de toxicomanie et de santé mentale, 1051, rue Queen ouest, Toronto, Ontario, Canada
- Groupe consultatif jeunesse, Centre Margaret et Wallace McCain pour la santé mentale des enfants, des jeunes et de leur famille et Programme pour les enfants, les adolescents et les jeunes adultes, Centre de toxicomanie et de santé mentale, 80, Workman Way, Toronto, Ontario, Canada
- Département de médecine d’urgence, Unity Health Toronto - Hôpital St. Michael, 30, rue Bond, Toronto, Ontario, Canada
- Département de psychiatrie, Université de Toronto, 250, rue College, Toronto, Ontario, Canada
- Département de médecine d’urgence, Centre des sciences de la santé Sunnybrook, 2075, avenue Bayview, Toronto, Ontario, Canada
- Département de médecine d’urgence, Department of Healthcare Delivery and Population Science UMass Chan- Baystate, 3601 Main St, Springfield, MA, États-Unis
- Institut de recherche Sunnybrook, Centre des sciences de la santé Sunnybrook, 2075 avenue Bayview, Toronto, Ontario, Canada