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Recherche en bref: Le bien être mental et les stratégies d’adaptation des adolescents canadiens pendant la pandémie de COVID 19

En bref

Certains éléments de preuve donnent à penser que la pandémie de COVID-19 a eu un impact négatif sur la santé mentale et le bien‑être émotionnel des adolescents. Divers pays, dont le Canada, l’Inde, le Nigéria et la Chine, enregistrent une augmentation des problèmes de santé mentale, notamment la dépression, l’anxiété et les comportements autodestructeurs. Or, trop peu de recherches qualitatives ont été menées sur le bien‑être mental des adolescents pendant la pandémie de COVID-19. Le but de cette étude était d’explorer les émotions et les sentiments des adolescents pendant la première vague de COVID-19, et les stratégies d’adaptation qu’ils ont adoptées pour gérer leurs émotions.

Objet de la recherche

Certains éléments de preuve donnent à penser que la pandémie de COVID-19 a eu un impact négatif sur la santé mentale et le bien‑être émotionnel des adolescents. Leur routine quotidienne a été grandement perturbée (p. ex., fermeture des écoles, confinement à la maison, événements et rassemblements sociaux annulés, étapes importantes manquées), ce qui a entraîné une augmentation des taux d’anxiété, de dépression et de comportements autodestructeurs. En Ontario, pendant les débuts de la pandémie de COVID-19, on a assisté à une hausse des problèmes de santé mentale comme la dépression, l’anxiété et les comportements autodestructeurs. Ailleurs dans le monde, d’autres recherches sont parvenues à des constats similaires.

Deux questions ont été posées aux jeunes qui ont rempli le sondage de l’étude :

  1. Quelles émotions et quels sentiments la pandémie a-t-elle suscités en toi?
  2. Quelles stratégies d’adaptation as-tu adoptées pendant la pandémie?

L’étude a également saisi des données d’autoévaluation de la santé mentale, du stress et de la détresse psychologique, avant et pendant les mesures sanitaires contre la COVID-19.

Méthodes

Pour comprendre l’impact des restrictions imposées pendant la pandémie de COVID-19 (distanciation physique, ordres de confinement à la maison, etc.) sur la santé mentale et le bien‑être émotionnel des adolescents, les chercheurs ont mené un sondage transversal en ligne auprès de participants âgés de 13 à 19 ans vivant au Canada. Était exclu.e tout.e candidat.e ne faisant pas partie de la tranche d’âge admissible, habitant à l’extérieur du Canada ou ne pouvant pas remplir le sondage en français ni en anglais. Les données ont été recueillies pendant la première vague de la pandémie, de juin à septembre 2020.

Le sondage en ligne comprenait deux questions ouvertes facultatives :

  1. Quelles émotions et quels sentiments la pandémie a-t-elle suscités en toi?
  2. Quelles stratégies d’adaptation as-tu adoptées pendant la pandémie?

Le sondage en ligne demandait également aux répondants d’évaluer leur santé mentale, leur niveau de stress et leur détresse psychologique avant et pendant l’imposition des mesures sanitaires contre la COVID-19.

Conclusions de la recherche

Les chercheurs ont analysé les données provenant de 851 adolescents canadiens, dont l’âge moyen était de 15,6 ans, et dont la majorité vivait dans un grand centre urbain.

Les données recueillies ont été classées en deux grandes catégories :

  1. Émotions et sentiments associés à la pandémie
  2. Stratégies d’adaptation utilisées pendant la pandémie

Ces deux catégories regroupaient cinq grands thèmes et 22 sous‑thèmes :

Émotions et sentiments associés à la pandémie

Déconnexion sociospatiale et temporelle

Ce thème regroupait cinq sous‑thèmes portant sur le sentiment des adolescents d’être coupés du temps, de l’espace et de leurs liens sociaux :

  1. difficulté à s’adapter aux ordres de confinement, surtout en ce qui a trait à l’apprentissage scolaire en ligne combiné à l’isolement à la maison;
  2. manque d’interactions, de soutiens et de connexions en personne;
  3. étapes importantes de la vie et grandes occasions manquées (p. ex., remise des diplômes d’études secondaires, début des études et des sports postsecondaires);
  4. sentiment d’être seul.e et coupé.e ou isolé.e du reste du monde;
  5. malaise et détresse face à l’avenir, menant à l’anxiété et à la nervosité.

Fardeau émotionnel de la pandémie

Ce thème regroupait quatre sous‑thèmes portant sur le fardeau émotionnel qui pesait sur les adolescents lors de la pandémie :

  1. conscience de sa propre sécurité et de celle des autres, et soucis connexes;
  2. sentiment d’effondrement et de perte d’indépendance, de bonheur et de motivation;
  3. changement abrupt d’émotion (p. ex. passer subitement de la joie à la colère);
  4. lutte contre les pensées suicidaires engendrées par l’isolement et l’esseulement.

Côté positif de la pandémie

Ce thème regroupait trois sous‑thèmes portant sur les effets positifs de la pandémie :

  1. sentiment d’être plus à l’aise et d’éprouver moins de pression et de stress associés aux activités quotidiennes, notamment aux travaux scolaires et aux activités parascolaires;
  2. sentiment de s’être rapproché.e de ses amis et de sa famille grâce au fait de passer plus de temps à la maison et d’accéder aux plateformes en ligne;
  3. occasions d’autoréflexion, de croissance personnelle et de soins personnels, qui permettent de se concentrer davantage sur soi‑même et d’organiser ses pensées.

Stratégies d’adaptation utilisées pendant la pandémie

Connexions en ligne ou à l’extérieur

Ce thème regroupait trois sous‑thèmes portant sur les stratégies d’adaptation qui ont aidé les adolescents à traverser la pandémie :

  1. former des connexions en ligne grâce aux appels vidéo, aux textos, aux jeux vidéo à deux ou plus, et aux réseaux sociaux;
  2. resserrer les liens familiaux en faisant davantage d’activités en famille, p. ex. jouer à des jeux, faire des promenades ou simplement passer du temps ensemble;
  3. se réunir avec ses amis ou ses proches dehors.

Activités de loisirs axées sur la santé

Ce thème regroupait sept sous‑thèmes portant sur les activités de loisirs axées sur la santé auxquelles les adolescents se sont adonnés pour composer avec la pandémie :

  1. activité physique;
  2. sorties pour prendre l’air;
  3. jeux vidéo;
  4. cuisine ou boulangerie;
  5. artisanat, musique ou danse;
  6. lecture;
  7. émissions de télévision ou films.

Selon les chercheurs, bien que les adolescents aient dû affronter de nombreux défis pendant la pandémie, cette dernière a également eu des effets positifs, entre autres, un sentiment d’être plus à l’aise, de ressentir moins de stress et de pression, et de s’être rapprochés de leurs amis et de leur famille. Les adolescents ont adopté des stratégies d’adaptation positives pour atténuer leur détresse, y compris des activités axées sur la santé (p. ex. activité physique), des interactions sécuritaires entre pairs (p. ex. former des liens en ligne ou à l’extérieur) et des passe-temps (p. ex. cuisine, boulangerie). Leur principale stratégie d’adaptation a été l’activité physique, par exemple le fait d’incorporer l’exercice à leur routine, de sortir se promener en famille, ou de pratiquer un sport.

Les chercheurs ont conclu que, globalement, les émotions négatives qu’éprouvaient les adolescents entraînaient un déclin de leur bien‑être mental.

Portée et limites des conclusions

Les chercheurs soulignent que l’étude comporte un certain nombre de limites. Comme le sondage a été mené pendant la première vague de la pandémie, les données recueillies reflètent la situation exceptionnelle où se trouvaient le.la répondant.e, ses proches ou ses amis. Bien que le sondage ait été offert aussi bien en français qu’en anglais, toutes les réponses aux questions ouvertes ont été données en anglais, d’où le biais potentiel des données en faveur d’une seule des deux langues. En outre, comme les répondants comptaient davantage de filles que de garçons, il se peut que les résultats de l’étude soient sujets à un biais de non‑réponse.

Par ailleurs, pendant la pandémie, il était impossible d’interviewer les adolescents ou de les faire participer à des groupes de discussion, ce qui aurait permis aux chercheurs de saisir davantage de détails qu’avec les deux questions ouvertes du sondage. Autre limite : pour participer au sondage en ligne, il fallait que le ou la jeune ait accès à un appareil numérique ainsi qu’à Internet. Enfin, le sondage n’abordait pas les traumatismes liés à la famille.

Applications possibles

Bien que des recherches plus approfondies soient nécessaires, les chercheurs sont d’avis que les résultats de l’étude ont d’importantes implications pour la politique et les pratiques de santé publique. Les recherches à venir doivent mettre l’accent sur l’importance d’un accès facile aux ressources en santé mentale pour les personnes qui souffrent de détresse psychologique. En outre, les politiques de santé publique doivent reconnaître et appuyer les stratégies d’adaptation positives des jeunes, et faciliter les interactions sécuritaires entre pairs.

Auteur.e.s

Kendra Nelson Ferguson1,2,3­­, Stephanie E. Coen1,4, Danielle Tobin1,2­­­, Gina Martin1,3,5, Jamie A. Seabrook1,3,6, Jason A. Gilliland1,2,3

  1. Human Environments Analysis Laboratory, Université Western, London (Ontario), Canada
  2. Département de géographie et d’études environnementales, Université Western, London (Ontario), Canada
  3. Institut de recherche sur la santé des enfants, Lawson Health Research Institute, London (Ontario), Canada
  4. École de géographie, Université de Nottingham, Nottingham, Royaume‑Uni
  5. Faculté des sciences de la santé, Université Athabasca, Athabasca (Alberta), Canada
  6. École des sciences de l’alimentation et de la nutrition, Collège universitaire Brescia, Université Western, London (Ontario), Canada

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