Recherche en bref : Les troubles des conduites alimentaires sont fréquents chez les jeunes présentant un trouble bipolaire

En bref

Les troubles des conduites alimentaires sont fréquents chez les personnes d’âge adulte atteintes d’un trouble bipolaire, mais ils n’ont pas fait l’objet d’études approfondies chez les jeunes. L’étude portait sur des jeunes âgés de 13 à 20 ans qui avaient été orientés vers une clinique spécialisée dans les troubles bipolaires chez les jeunes. Le questionnaire que devaient remplir chaque participant.e à l’étude, ou le cas échéant ses parents, visait à déterminer si on lui avait diagnostiqué un type ou un autre de problème de santé mentale ou un TCA, à quel âge il ou elle avait commencé à souffrir de manie ou d’hypomanie, et s’il y avait des antécédents de problèmes de santé mentale dans sa famille.

L’équipe de recherche a constaté que les TCA sont fréquents chez les jeunes atteints d’un trouble bipolaire, et que chez celles et ceux présentant un trouble bipolaire et des TCA, l’instabilité émotionnelle, les tendances suicidaires, des traumatismes et d’autres troubles psychiatriques étaient nettement plus manifestes. Il est important de tenir compte de ces éléments dans toute leur complexité lors de la planification du traitement. 

Objet de la recherche 

Il apparaît de plus en plus clairement que de nombreuses personnes atteintes de trouble bipolaire présentent également des troubles des conduites alimentaires (TCA) ou ont une alimentation chaotique. Ces désordres comprennent l’anorexie mentale, la boulimie et d’autres troubles de l’alimentation problématiques, soit entre autres des épisodes récurrents d’hyperphagie boulimique, des symptômes d’anorexie n’entraînant pas une perte de poids importante et d’autres situations dans lesquelles son image corporelle, son alimentation et ses régimes posent de graves problèmes à la personne.

Les chercheurs ont constaté que les taux des TCA sont plus élevés chez les adultes bipolaires que dans la population générale. Si quelques études ont été consacrées aux TCA chez les jeunes atteints de trouble bipolaire, on manque encore de connaissances sur ce sujet, car la plupart des recherches menées à cet égard ne portaient que sur des personnes d’âge adulte.

Une équipe de recherche ontarienne a donc décidé d’étudier la prévalence des TCA et les caractéristiques qui leur sont associées dans un groupe de jeunes atteints de trouble bipolaire.

Méthodes   

L’étude portait sur 197 jeunes âgés de 13 à 20 ans qui étaient soignés ou sollicitaient un traitement pour leur trouble bipolaire dans une clinique spécialisée. Les participant.e.s et leurs parents ont passé des entretiens et ont rempli des questionnaires en vue de confirmer le diagnostic de trouble bipolaire et d’autres problèmes de santé mentale, y compris des TCA.

Les questions posées lors de l’entretien et dans le questionnaire visaient également à déterminer :

Conclusions de la recherche

Un TCA a été diagnostiqué chez presque un tiers des personnes interrogées à un moment donné de leur vie. Parmi elles, environ 4 % présentaient une anorexie, 8 % une boulimie et 17 % un trouble de l’alimentation non spécifié.

Chez les participant.e.s, l’âge moyen de l’apparition des premiers symptômes d’un TCA était 13 ans, mais il variait de sept à 18 ans. Chez environ 60 % des participant.e.s, le TCA est apparu en premier et chez 17 %, le trouble bipolaire s’est manifesté d’abord. Chez 23 % des participant.e.s, les deux troubles ont commencé au cours de la même année.

Les participantes qui s’identifiaient comme femmes et les participant.e.s atteints d’un trouble bipolaire de type II étaient les plus à risque qu’on leur diagnostique un TCA à un moment donné de leur vie.

Les participant.e.s ayant des antécédents de TCA ont connu, par rapport à celles et ceux n’en ayant pas, une dépression plus grave lors du pire épisode de leur vie et une labilité affective plus marquée. Ces mêmes participant.e.s étaient également plus sujets à déclarer des comportements d’automutilation non suicidaires, des tentatives de suicide, des abus sexuels et la consommation de cigarettes. Les participant.e.s ayant un TCA étaient également plus susceptibles de connaître d’autres problèmes de santé mentale, dont anxiété, stress post‑traumatique ou troubles liés à l’usage de substances. Enfin, ils et elles étaient plus susceptibles d’avoir des antécédents familiaux de trouble anxieux.

Portée et limites de l’étude

L’équipe de recherche a indiqué que, du fait du modèle de l’étude, elle n’avait pas été en mesure de déterminer si un trouble menait à l’autre. Par ailleurs, elle s’est focalisée sur les TCA des participant.e.s à n’importe quel moment de leur vie; or, il se peut que pour certain.e.s, le problème persistait, alors que pour d’autres il appartenait au passé. De plus, comme les participant.e.s à cette étude étaient traités dans un hôpital psychiatrique, il semble impossible d’en généraliser les conclusions aux personnes prises en charge dans des cliniques communautaires.

Applications possibles

Il ressort de ces conclusions que le personnel clinique qui fournit des services à des jeunes bipolaires doit envisager la possibilité, surtout en ce qui concerne les jeunes de sexe féminin, qu’ils et elles souffrent aussi de TCA. De plus, il devrait évaluer les antécédents en matière de traumatisme et de violence sexuelle, et s’attacher à fournir des soins tenant compte de ces derniers.

En outre, l’équipe de recherche recommande d’envisager des thérapies utilisées en cas de dépression, de tendances suicidaires, d’automutilation et de troubles de la personnalité limite, comme la labilité affective et l’impulsivité, dans le cadre des services de santé mentale destinés aux jeunes gens atteints d’un trouble bipolaire et ayant des antécédents de TCA.

Auteur.trices

L’autrice principale de l’étude, Diana Khoubaeva, travaille depuis quatre ans au Centre du trouble bipolaire chez les jeunes. Elle trouve son travail auprès de jeunes atteints de troubles bipolaires très valorisant, ce qui l’a conduite à poursuivre sa formation pour pouvoir leur prodiguer des soins de santé mentale de haute qualité. Elle se réjouit de commencer en septembre 2022 sa maîtrise en travail social.

Diana Khoubaeva1, Mikaela K. Dimick1,2, Jessica L. Roane1, Vanessa H. Timmins1, Rachel H. B. Mitchell3,4 et Benjamin I. Goldstein1,2,3

  1. Centre du trouble bipolaire chez les jeunes, Centre de toxicomanie et de santé mentale, Toronto, Ontario, Canada
  2. Département de pharmacologie, Université de Toronto, Ontario, Canada
  3. Département de psychiatrie, Université de Toronto, Toronto, Ontario, Canada
  4. Département de psychiatrie, Centre des sciences de la santé Sunnybrook, Toronto, Ontario, Canada

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