Ce qu’il faut savoir
Le monde traverse une crise des surdoses d’opioïdes. Une méthode de traitement du trouble lié à l’utilisation d’opioïdes est la gestion du sevrage. Les programmes qui proposent cette option thérapeutique utilisent souvent des agonistes opioïdes (buprénorphine avec ou sans méthadone) pour gérer les symptômes. L’équipe de recherche a adressé un questionnaire en ligne aux programmes de gestion du sevrage partout au Canada en vue de mieux comprendre la façon dont les personnes ayant des problèmes de consommation d’opioïdes sont prises en charge. Elle a constaté que, souvent, ces programmes ne possèdent ni les connaissances ni les compétences voulues pour proposer un traitement par agonistes opioïdes. Par ailleurs, d’après les réponses, il existe des différences significatives dans la manière dont ces programmes aident les client.e.s manifestant des troubles liés à la consommation d’opioïdes. L’équipe de recherche demande l’élaboration de lignes directrices cliniques uniformes pour traiter les troubles liés à l’utilisation d’opioïdes au Canada.
Objet de la recherche
Dans le monde entier, les taux de surdoses d’opioïdes sont à la hausse. Au Canada, les taux de mortalité ont augmenté en raison d’un approvisionnement accru en produits frelatés et du manque d’accès à des services essentiels de traitement des dépendances. Le stress et l’isolement causés par la pandémie de COVID-19 ont aggravé cette situation.
Thérapie efficace contre la dépendance aux opioïdes, le traitement par agonistes opioïdes se caractérise par la prise de buprénorphine avec ou sans méthadone, souvent associée à un traitement psychosocial. Parmi les autres traitements possibles, on citera la morphine par voie orale à libération prolongée, l’hydromorphone ou la diacétylmorphine injectables, la naltrexone par voie orale ainsi que des programmes de gestion du sevrage (aussi connus sous le nom de désintoxication ou de désintox).
La gestion du sevrage, le traitement de première intention pour les personnes ayant un trouble lié à l’utilisation d’opioïdes, est proposée dans le cadre de programmes résidentiels ou non résidentiels avec services de soutien. Ces programmes aident les gens pendant la cure de désintoxication et leur apportent un soutien pour gérer leurs symptômes. Ils s’appuient sur une variété de stratégies, dont le traitement de maintien à long terme et à court terme par des médicaments comme des agonistes opioïdes ou de la naltrexone, ainsi que des doses d’opioïdes ou d’agents comme la clonidine et d’autres médicaments non narcotiques dont la dose est diminuée graduellement au cours d’une période.
L’équipe de recherche a mené une analyse contextuelle pour dresser un tableau des services que proposent les programmes de gestion du sevrage dans tout le Canada aux personnes ayant un trouble lié à l’utilisation d’opioïdes.
Méthode
L’équipe de recherche a envoyé un questionnaire d’auto-évaluation en ligne à 147 programmes de gestion du sevrage publics et privés au Canada. La collecte des données s’est déroulée de juillet 2019 à mars 2020.
Les questions portaient sur la clientèle prise en charge par les programmes, les types de services qu’ils offraient, les répercussions de la crise des surdoses d’opioïdes sur leur organisme et les traitements administrés aux client.e.s ayant un trouble lié à l’utilisation d’opioïdes ou consommant des opioïdes. Les organismes devaient aussi indiquer s’ils fournissaient des traitements par agonistes opioïdes à la clientèle ou s’ils l’aiguillaient vers ce genre de thérapie, préciser les obstacles à la prestation de ce service et les services de suivi qu’ils fournissaient.
Conclusions de la recherche
Environ 60 % des 147 programmes ayant reçu le questionnaire y ont répondu. Comme un seul répondant provenait d’un programme privé, l’équipe de recherche a décidé de concentrer son analyse sur les organismes publics. Le présent article s’attache essentiellement aux réponses portant sur les opioïdes, qui ont été classées selon les admissions liées aux opioïdes, l’offre de traitements par agonistes opioïdes et les répercussions de la crise des surdoses d’opioïdes.
Admissions liées aux opioïdes
- Environ neuf programmes sur dix offrent des services aux client.e.s présentant un problème lié à l’utilisation d’opioïdes, soit principal soit secondaire.
- Presque un tiers de ces programmes avaient une liste d’attente. Parmi eux, les deux tiers offraient un type ou un autre de service de soutien aux personnes figurant sur la liste d’attente.
- Environ neuf programmes sur dix offrent des services de gestion du sevrage aux client.e.s présentant un problème lié à l’utilisation d’opioïdes, soit principal soit secondaire.
- Un peu plus d’un programme sur dix n’offrait pas de services aux client.e.s ayant un problème lié à l’utilisation d’opioïdes.
Traitement par agonistes opioïdes
- Environ neuf programmes sur dix proposent sur place aux client.e.s un traitement par agonistes opioïdes ou les aiguillent vers un autre programme au sein de leur organisme.
- Les organismes qui ne fournissaient pas ces services ont expliqué que cette situation était due à des questions de sécurité et à un manque de capacités.
Répercussions de la crise des surdoses d’opioïdes
- Six répondant.e.s sur dix ont déclaré que la crise des surdoses d’opioïdes touchait à la fois leur collectivité et leur programme.
- Selon ces répondant.e.s, le nombre de personnes faisant usage d’opioïdes qui sont à la recherche de services de gestion du sevrage a augmenté, tout comme s’est accrue la participation de la collectivité à des activités de prévention et à des activités en rapport avec les traitements.
- Sur l’échantillon total, seules 16 personnes ont répondu à la question sur la disponibilité sur place de trousses de naloxone. Parmi elles, plus des deux tiers ont déclaré stocker des trousses.
- La raison la plus courante évoquée pour ne pas avoir de trousses de naloxone sur place était « dans l’attente de la fin de l’élaboration de la politique ».
Portée et limites des conclusions
L’équipe de recherche a relevé plusieurs limites à l’étude. Seuls six programmes sur dix qui ont reçu le questionnaire y ont répondu. Par conséquent, l’estimation du nombre de programmes de traitements par agonistes opioïdes pour un trouble lié à l’utilisation d’opioïdes n’est peut‑être pas exacte.
En outre, comme le Canada ne détient pas de liste exhaustive de tous les services de gestion du sevrage, il est possible que l’équipe de recherche soit passée à côté de programmes de traitements pour un trouble lié à l’utilisation d’opioïdes. Par ailleurs, les programmes privés ne faisant pas partie de l’étude, l’analyse ne tient pas compte d’un élément important de l’ensemble des programmes de traitement des troubles liés à l’utilisation d’opioïdes.
Applications possibles
Les résultats de cette étude, qui corroborent les données de base existant sur les programmes de gestion du sevrage au Canada, peuvent servir à faire un pas dans la bonne direction pour normaliser les pratiques de traitement actuelles des problèmes liés à l’utilisation d’opioïdes.
Auteur.trice.s
Farihah Ali1, Cayley Russell1, Justine Law1, Annie Talbot2,3, Tara Elton-Marshall4,5,6, Nikki Bozinoff7,8, Sameer Imtiaz1, Jürgen Rehm16,9,10,11,12, Valerie Giang13, Brian Rush1
- Centre de toxicomanie et de santé mentale, Institut de recherche en politiques de santé mentale, Toronto, Ontario, Canada
- Centre de recherches, Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CRCHUM) Montréal, Québec, Canada
- Département de médecine familiale et de médecine d’urgence, Faculté de médecine, Université de Montréal, Montréal, Québec, Canada
- École d’épidémiologie et de santé publique, Faculté de médecine, Université d’Ottawa, Ottawa, Ontario, Canada
- Département d’épidémiologie et de biostatistique, Faculté Schulich de médecine et de dentisterie de l’Université Western, London, Ontario, Canada
- École de santé publique Dalla Lana, Université de Toronto, Toronto, Ontario, Canada
- Centre de toxicomanie et de santé mentale, Institut de recherche en santé mentale de la famille Campbell, Toronto, Ontario, Canada
- Département de médecine familiale et communautaire, Université de Toronto, Toronto, Ontario, Canada
- Institut des sciences médicales (IMS), Université de Toronto, Toronto, Ontario, Canada
- Institut de psychologie clinique et de psychothérapie, Université technologique de Dresde, Dresde, Allemagne
- Département des projets internationaux de santé, Institut de leadership en gestion de la santé, Première Université de médecine Ivan Setchenov de Moscou, Moscou, Fédération de Russie
- Centre de recherche interdisciplinaire sur les drogues (ZIS), Département de psychiatrie et de psychothérapie, Centre hospitalier universitaire Hambourg-Eppendorf (UKE), Hambourg, Allemagne
- Vancouver Coastal Health, Vancouver, Colombie-Britannique, Canada.