Ce qu’il faut savoir
La buprénorphine est actuellement le traitement de maintien de référence pour la réduction du risque de récidive de la consommation d’opioïdes chez les personnes présentant une dépendance à ces substances, mais nombreuses sont celles qui mettent fin à leur traitement, ce qui s’explique notamment par la stigmatisation de ce médicament, son coût élevé et les contraintes d’une surveillance médicale étroite. Des chercheurs ont réalisé une étude pour déterminer quelles étaient les modalités du sevrage de buprénorphine associées à la reprise de la consommation d’opioïdes et au risque de surdose. Ils ont observé que le sevrage présentait des risques importants et que le maintien du traitement était la meilleure façon de réduire ces risques. Pour les personnes souhaitant se sevrer de la buprénorphine, l’arrêt du traitement après au moins un an, la réduction très progressive du dosage et la prolongation de l’intervalle entre les réductions de doses ont tous trois été associés à un risque moindre de surdosage, la durée du sevrage n’ayant pas en elle-même de valeur protectrice.
Objet de la recherche
La buprénorphine est le traitement de première intention pour les troubles liés à la consommation d’opioïdes et le traitement de maintien par la buprénorphine réduit le risque de reprise de la consommation de ces substances. Pourtant, nombreuses sont les personnes qui mettent fin à leur traitement par la buprénorphine, notamment en raison de la stigmatisation associée à ce médicament.
Les personnes qui abandonnent leur traitement à la buprénorphine présentent des taux plus élevés de reprise de la consommation d’opioïdes hors prescription et, partant, de décès par surdose. Les auteurs de l’article ont donc cherché à savoir quelles étaient les modalités de sevrage de la buprénorphine associées à la reprise de la consommation d’opioïdes et aux surdoses de ces substances.
Méthode
En partant des données administratives de l’Ontario sur la santé, les chercheurs ont recensé les adultes à qui on avait prescrit de la buprénorphine et qui avaient mis fin à leur traitement après au moins 60 jours. Pour trouver les personnes qui avaient eu une interruption de traitement cliniquement significative, ils ont recherché des interruptions d’au moins 14 jours consécutifs dans les ordonnances de buprénorphine.
Les chercheurs ont examiné le temps écoulé avant la survenue d’une surdose d’opioïdes dans les 18 mois suivant l’arrêt de la buprénorphine. Ils se sont également penchés sur le temps écoulé entre l’instauration du traitement à la buprénorphine et le début du sevrage, les diminutions de dosage et l’espacement des changements de dosage ainsi que sur la durée de la période de sevrage.
Conclusions de la recherche
L’analyse a porté sur 5 774 premiers épisodes de sevrage et 677 épisodes ultérieurs. Les chercheurs ont constaté que les deux tiers des sujets à l’étude avaient recommencé à consommer des opioïdes dans les 18 mois suivant l’arrêt de la buprénorphine.
Les chercheurs ont également découvert qu’indépendamment de la durée du sevrage de la buprénorphine, le risque de surdose d’opioïdes était plus faible lorsque a) le sevrage avait été entamé après au moins un an de traitement, b) la diminution des dosages jusqu’à l’arrêt complet avait été très progressive et c) les changements de dosage avaient été suffisamment espacés.
Les auteurs de l’étude constatent que ces résultats indiquent que le sevrage de la buprénorphine présente un risque de retour à la consommation d’opioïdes, avec un risque associé de surdose et ils recommandent donc de continuer le traitement aussi longtemps qu’il est bénéfique et que les clients sont disposés à le suivre.
Portée et limites des conclusions
Les auteurs signalent également plusieurs limitations de l’étude. Ainsi, ils n’ont pas été en mesure de déterminer si des participants avaient utilisé des opioïdes non prescrits pendant la période de l’étude, de sorte qu’il est possible qu’ils aient rangé à tort certains participants dans la catégorie des abstinents. De même, ils n’avaient pas de moyen de vérifier que la buprénorphine avait été prise telle que prescrite. En outre, ils se sont basés sur les registres de prescription pour calculer la dose quotidienne de buprénorphine prise par les sujets à l’étude et il y a une possibilité de décalage avec la dose réellement prise.
Applications possibles
Cette étude pourrait intéresser les prestataires de soins, les organismes de réglementation, les assureurs et les groupes de soutien en leur fournissant des informations utiles sur le traitement par la buprénorphine, ainsi que des recommandations sur les modalités de sevrage.
Auteurs
Nikki Bozinoff1,2, Siyu Men3, Paul Kurdyak3,4,5, Peter Selby1,2,5,6, Tara Gomes3,7,8
- Institut de recherche en santé mentale de la famille Campbell, Centre de toxicomanie et de santé mentale, Toronto
- Département de médecine familiale et communautaire, Université de Toronto
- ICES, Toronto
- Institut de recherche en politiques de santé mentale, Centre de toxicomanie et de santé mentale, Toronto
- Département de psychiatrie, Université de Toronto
- Faculté de santé publique Dalla Lana, Université de Toronto
- Li Ka Shing Knowledge Institute, Hôpital St. Michael, Toronto
- Faculté de pharmacie Leslie Dan, Université de Toronto