Ce que vous devez savoir
La Commission de la santé mentale du Canada donne des pairs aidants la définition suivante : personnes qui « assure[nt] un soutien émotionnel et social aux autres personnes qui partagent une expérience commune » (CSMC, 2022). Il est reconnu que l'intégration de pairs aidants dans les services de santé mentale présente de nombreux avantages, mais la mise sur pied de tels programmes comporte plusieurs difficultés, parmi lesquelles on peut citer la nécessité de maintenir des limites professionnelles, les problèmes liés à la dynamique de pouvoir au sein du personnel, le stress professionnel et le besoin de définir clairement le rôle de pair·e aidant·e. L'analyse documentaire présentée ici s’est appuyée sur la science de la mise en œuvre dans le but de recenser les meilleures pratiques pour la mise en place de programmes de soutien par les pairs dans les services de santé mentale.
Objet de la recherche
La Commission de la santé mentale du Canada définit les pairs aidants comme des personnes qui « assure[nt] un soutien émotionnel et social aux autres personnes qui partagent une expérience commune » (CSMC, 2022). Ce type de soutien est communément offert dans divers services de santé mentale, dont les services hospitaliers de consultation interne et externe et les services de santé mentale communautaires.
L'analyse documentaire présentée ici, qui s’appuie sur la science de la mise en œuvre dans le but de recenser les meilleures pratiques pour la mise en place de programmes de soutien par les pairs dans les services de santé mentale, indique les facteurs qui compliquent la mise en place de tels programmes et ceux qui la facilitent.
La science de la mise en œuvre est l'étude de la manière dont les interventions fondées sur des données scientifiques peuvent être mises en pratique à grande échelle afin d'optimiser les résultats pour les clients (Bauer et Kirchner, 2020). Un aspect essentiel de la démarche de la science de la mise en œuvre est qu'elle « cherche à modifier le cadre dans lequel les innovations cliniques seront utilisées afin d'en favoriser l'adoption. ».
Méthode
Les auteurs ont effectué une revue systématique des articles parus dans des revues de langue anglaise à comité de lecture jusqu'au mois d'octobre 2019. Ils recherchaient des études portant sur les facteurs propices à la mise en œuvre du soutien par les pairs dans les établissements de santé mentale et les entraves à cette mise en œuvre. Pour leur recherche, ils ont employé les mots clés suivants : « peer support » (soutien par les pairs), « lived experience » (vécu expérientiel), « peer to peer » (pair à pair), « peer mental health support » (soutien en santé mentale par les pairs) et « implementation » (mise en œuvre).
Conclusions de la recherche
Les chercheurs ont trouvé 19 articles, publiés entre 2008 et 2019, qui contenaient des informations pertinentes. Les études décrites avaient été menées dans divers établissements, dont des hôpitaux, des organismes communautaires et des cliniques de soins primaires. Elles décrivaient également divers types de soutien par les pairs (p. ex. soutien de groupe ou soutien individuel) et diverses durées d'intervention.
Les auteurs ont conclu qu'il existait suffisamment de preuves indiquant que les avantages du soutien par les pairs l'emportaient sur les coûts associés à sa mise en œuvre. Pour l'intégration de pairs aidants dans des services existants, ils citent les meilleures pratiques suivantes :
- Le facteur le plus important pour réussir l'intégration des pairs aidants dans les services existants et pour mieux en faire apprécier la valeur est un encadrement solide et un engagement résolu à leur égard.
- Pour guider le développement des services de soutien par les pairs, responsabiliser les organisations et garantir un financement adéquat, une volonté politique clairement affichée est essentielle.
- Il est également important que le rôle de paire aidant·e bénéficie d'un financement adéquat et d'un soutien logistique et administratif (p. ex. accès aux équipements, aux dossiers médicaux et à la formation).
- Dans les établissements où le soutien par les pairs est perçu comme manquant de crédibilité, il faut avoir recours à la sensibilisation et à l'échange de connaissances pour expliquer l'intervention et accroître l’acceptation.
- Pour intégrer des pairs aidants dans des services existants, il convient de créer un milieu de travail flexible et ouvert qui permette d’opérer des changements individuels et culturels bénéfiques.
- Il faut reconnaître la valeur professionnelle de l'expertise des pairs aidants et les rémunérer en conséquence.
- L'une des premières mesures à prendre pour la mise en œuvre du soutien par les pairs est de définir le rôle des pairs aidants et de clarifier leurs responsabilités. Cela devrait se faire en consultation avec les pairs aidants, les chefs d'équipe et le personnel.
- Une autre mesure à prendre avant la mise en œuvre est de s'assurer qu'il existe une formation appropriée pour les pairs aidants et pour le reste du personnel qui travaillera à leurs côtés. Il conviendrait d’ailleurs d’appuyer les pairs aidants en leur offrant une formation et une supervision continues.
Portée et limites des conclusions
Les articles examinés ne fournissaient aucune information sur les modalités de la mise en œuvre du programme et de son évaluation. Par ailleurs, la plupart des études avaient été réalisées aux États-Unis et en Australie, où les gouvernements et les établissements de santé ont adopté des politiques visant à intégrer le soutien par les pairs aux programmes existants. Les auteurs estiment qu'il faudrait mener d'autres recherches dans des pays ne requérant pas de soutien par les pairs ni de soins axés sur le rétablissement.
Applications possibles
Cet article offre un tour d'horizon des pratiques exemplaires aux chercheurs et prestataires de services désireux de mettre en œuvre le soutien par les pairs dans les services de santé mentale.
Auteur·e·s
Christina Mutschler1, Chyrell Bellamy2, Larry Davidson2, Sidney Lichtenstein3 et Sean Kidd3,4
- Département de psychologie, Université Ryerson
- Programme « Rétablissement et santé communautaire », faculté de médecine de l’Université Yale
- Centre de toxicomanie et de santé mentale, Toronto
- Département de psychiatrie de l’Université de Toronto
Références
BAUER, Mark S., et JoAnn KIRCHNER. « Implementation science: What is it and why should I care? », Psychiatry Research, vol. 283, (2020), 112376. https://doi.org/10.1016/j.psychres.2019.04.025
COMMISSION DE LA SANTÉ MENTALE DU CANADA. Soutien par les pairs, 2022. https://commissionsantementale.ca/ce-que-nous-faisons/acces-a-des-soins-de-sante-mentale-de-qualite/soutien-par-les-pairs