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Recherche en bref : Prévention du suicide lié à la consommation d’alcool : un aperçu

Ce qu’il faut savoir

Selon l’Organisation mondiale de la Santé, la consommation d’alcool est un facteur de risque important de suicide, lequel figure parmi les principales causes de mortalité au niveau mondial. Pourtant, les cliniciens, chercheurs et décideurs politiques négligent souvent la consommation d’alcool dans les politiques et programmes de prévention du suicide. Dans l’étude résumée ici, les chercheurs ont examiné toutes les données disponibles sur les mesures de prévention du suicide lié à l’alcool.

Les chercheurs ont procédé à une analyse documentaire rapide des données sur ces mesures : politiques, actions communautaires et mesures thérapeutiques.

Objet de la recherche

L’alcool est un facteur avéré de décès par suicide – que ce soit par intoxication alcoolique, ou par potentialisation des effets d’autres drogues, conduisant à la surdose. Plusieurs études réalisées sur la consommation d’alcool et le comportement suicidaire ont confirmé le lien entre la consommation d’alcool et les taux de suicide. Or, peu de cliniciens intègrent ce fait à leur pratique, peu de décideurs en tiennent compte dans leurs programmes et plans d’action pour la prévention du suicide et peu de recherches ont été menées à ce sujet.

Méthode

Les auteurs ont procédé à une brève analyse documentaire des données de recherche disponibles sur les mesures de prévention du suicide lié à l’alcool. Ils ont consulté plusieurs bases de données (PubMed, Embase et Web of Science Core Collection) pour trouver les articles pertinents qui avaient été publiés entre 1990 et 2020. De ce corpus, ils ont extrait 69 articles et défini trois catégories de mesures de prévention : mesures de nature politique, communautaire et thérapeutique.

Les articles sélectionnés répondaient aux critères suivants :

Conclusions de la recherche

Les auteurs ont sélectionné 69 articles et présenté leurs conclusions selon trois catégories :

Mesures de nature politique : 49 publications entraient dans cette catégorie, dont certaines portant sur des interventions structurelles : campagnes de lutte contre l’alcoolisme, restrictions imposées à l’échelle locale, fixation des prix et du montant des taxes, limitation de l’accès à des débits de boissons et âge minimum légal de consommation.

Ces études montraient que les actions menées à l’échelle de la population étaient importantes pour prévenir le suicide et d’autres dommages liés à la consommation d’alcool.

Mesures de nature communautaire : 7 publications entraient dans cette catégorie, dont certaines portant sur le counseling de groupe et l’information du public sur les dangers de l’alcool.

Ces études examinaient la consommation d’alcool, mais elles étaient peu nombreuses. Les chercheurs estiment donc qu’il faudrait mener davantage de recherches sur les actions communautaires et la consommation d’alcool.

Mesures de nature thérapeutique : 13 publications entraient dans cette catégorie, dont certaines portaient sur des mesures individuelles, dont la prescription de médicaments ou le counseling privé.

Ces études examinaient les mesures de prévention du suicide lié à la consommation d’alcool. Malheureusement, la taille de la plupart des échantillons était insuffisante.

Portée et limites des conclusions

Les chercheurs signalent que leur étude comporte plusieurs limitations. Tout d’abord, une seule personne a travaillé sur la recherche documentaire à chaque étape et il ne s’agissait pas d’une analyse documentaire au sens strict. En outre, la période choisie était limitée à 30 années (1990-2020).

Il y avait d’autres limitations signalées par les chercheurs : absence d’évaluation du risque de biais, absence de stratification des résultats par genre et difficulté à déterminer que les décès étaient bien dus à des suicides, car les gouvernements ne s’accordent pas nécessairement sur la manière de déterminer si un décès est dû à un suicide.

Applications possibles

Les chercheurs estiment que pour prévenir les suicides liés à la consommation d’alcool, il faudrait considérer l’alcool comme un facteur de risque à la fois proximal et distal. La mise en œuvre de mesures et de programmes aux niveaux national et local pourrait avoir un effet préventif sur les suicides liés à l’abus d’alcool. En outre, il serait utile pour les gouvernements, les organisations non gouvernementales et les chercheurs que l’alcoolémie et le taux d’autres drogues dans le sang fassent systématiquement l’objet d’un contrôle post mortem. En ce qui concerne les interventions au niveau individuel, le counseling devrait spécifiquement porter sur le lien entre la consommation d’alcool et le suicide. Chez les personnes suicidaires, il serait bon de faire un dépistage de la consommation d’alcool à haut risque, suivi éventuellement d’une intervention ponctuelle ou d’une orientation vers un traitement. Enfin, il faudrait envisager des mesures ciblées, tant au niveau communautaire que clinique, pour sensibiliser les populations suicidaires aux dangers de la consommation d’alcool. En résumé, les stratégies globales de prévention du suicide devraient prendre en compte le facteur de risque que représente la consommation d’alcool.

Auteurs

Norman Giesbrecht1,2, Elizabeth K. Farkouh3, Hariesh Pavalaghanthan4 et Heather Orpana5

  1. Centre de toxicomanie et de santé mentale, Institut de recherche en politiques de santé mentale, Toronto
  2. Faculté de santé publique Dalla Lana, Université de Toronto
  3. Mayo Clinic Alix School of Medicine, Rochester, Minnesota, États-Unis
  4. Faculté de médecine et santé, University College Cork, Cork, Irlande
  5. Agence de la santé publique du Canada, Ottawa

 

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