En bref
Les chercheuses ont procédé à une étude de portée axée sur les recherches qui évaluaient la prestation de soins virtuels aux adultes présentant des déficiences intellectuelles et développementales (DID), tant avant que durant la pandémie de COVID‑19. Elles se sont tout particulièrement attachées aux répercussions du virtuel sur l’accès aux soins et elles ont trouvé 22 études, dont 12 traitaient de l’accès aux soins pour les adultes présentant des DID.
Au total, cette recherche n’a permis de recenser que peu d’études; de surcroît, la plupart étant de petites études pilotes, cela a eu pour effet de restreindre la portée des conclusions qui ont pu en être tirées. Les résultats de cette étude de portée semblent malgré tout indiquer qu’il est possible de fournir des soins virtuels accessibles et de qualité aux personnes présentant des DID. L’accessibilité dépend de plusieurs facteurs : besoins et capacités de chaque patient·e, soutien disponible, cadre dans lequel les soins sont prodigués et type de soins fournis.
Objet de la recherche
Dans le contexte de la pandémie de COVID‑19, de nombreux services de santé sont passés au virtuel. Il s’agit là d’un essor sans précédent de ce type de soins qui doit conduire à s’interroger sur les conséquences potentielles du phénomène sur la qualité des soins et leur accessibilité pour les divers groupes de patients, notamment les adultes présentant des DID.
L’objet de l’étude était de faire le point sur les connaissances au sujet des soins virtuels pour les adultes présentant des DID, en examinant tout particulièrement les répercussions du virtuel sur l’accès aux soins pour cette population.
Méthodes
Les auteures ont procédé à une étude de portée axée sur les recherches qui évaluaient la prestation de soins virtuels aux adultes présentant des DID. L’étude a été menée à partir d’articles de recherche universitaires ainsi que de documents gris : rapports, énoncés de politiques et documents de travail, et publications gouvernementales.
Les chercheuses ont appliqué la définition ontarienne des déficiences développementales, laquelle englobe les DID et les autres affections qui ont un impact sur le fonctionnement cognitif et adaptatif. Ces déficiences se manifestent dès l’enfance, persistent la vie durant et affectent les activités principales de la vie courante.
Pour les « soins de santé », les auteures ont adopté une définition très large, qui englobait les soins médicaux, psychothérapies, interventions psychosociales et autres services liés à la santé. Quant à la prestation virtuelle des soins et services, elles ont retenu la définition suivante : toute interaction à distance, que ce soit par téléphone, vidéo ou message texte.
Conclusions de la recherche
Les recherches menées sur cette question sont relativement peu nombreuses. La plupart des recherches portant à la fois sur les soins virtuels et les personnes atteintes de DID concernaient les enfants et seules 22 études incluant des adultes ont été recensées. En outre, bon nombre d’entre elles étaient de petites études pilotes qui portaient majoritairement sur les services fournis par des spécialistes en DID.
Douze de ces 22 études présentaient des conclusions liées à l’accès aux soins. Les auteures ont analysé les conclusions de ces 12 études à l’aide du cadre conceptuel de Lévesque, qui distingue cinq dimensions d’accessibilité pour les soins :
- la recevabilité (satisfaction des patients à l’égard des services ou aisance à les utiliser)
- la disponibilité et la prise en compte des besoins (capacité des patients à profiter des services)
- la pertinence (qualité des services)
- la facilité d’approche (connaissance des services par les patients)
- l’accessibilité financière (coût des services)
Satisfaction des patients à l’égard des services ou aisance à les utiliser (recevabilité)
Dans la plupart des études, patients et soignants ont été satisfaits des services virtuels, mais certains participants ont dit préférer les interactions en face à face. Trois études réalisées durant la pandémie faisaient exception; dans ces études, patients et soignants ont indiqué que les avantages étaient négligeables ou estimé que les soins virtuels étaient expéditifs et impersonnels.
Capacité des patients à profiter des services virtuels (disponibilité des services et prise en compte des besoins)
Les auteures ont découvert qu’en certains cas, les soins virtuels permettaient d’économiser le temps passé dans les transports et de mieux répondre aux besoins des patients qui ont une aversion pour le passage en salle d’attente ou la distanciation physique. Dans ce domaine, la principale difficulté rencontrée était de nature technique et concernait l’utilisation de la plateforme virtuelle.
Les principaux gages de réussite de l’interaction virtuelle étaient la présence d’une personne de soutien, une bonne connexion Internet et le fait de disposer d’un lieu calme et privé pour les entretiens.
Qualité des soins virtuels (pertinence)
De façon générale, les conclusions pour ce domaine montrent qu’il est possible de prodiguer des soins virtuels de qualité aux personnes présentant des DID. On a même observé que les soins virtuels présentaient certains avantages par rapport aux visites en personne : par exemple, en permettant aux prestataires de voir comment les patients se comportaient dans leur foyer.
Certaines études formulaient également des réserves quant à la qualité des soins, en soulignant notamment le danger qu’en l’absence d’examens physiques, certaines affections ne soient pas détectées, et le risque accru que les interactions virtuelles soient dominées par les prestataires, excluant ainsi de leurs propres soins les patients atteints de DID.
Dans l’ensemble, les études portant sur la qualité reposaient sur de petits échantillons, ce qui limite la possibilité de formuler des conclusions générales sur l’efficacité ou l’efficience des soins virtuels.
Connaissance des services par les patients (facilité d’approche) et coût de ces services (accessibilité financière)
Aucune étude ne faisait état du caractère convivial ou non des services ni de leur coût pour les patients. Les chercheuses ont fait remarquer qu’il s’agissait d’une lacune importante de la littérature, qu’il faudra corriger par des recherches futures.
Portée et limites des conclusions
Les auteures signalent que, bien qu’elles aient essayé de définir une stratégie de recherche très étendue, il est possible qu’elles soient passées à côté d’articles pertinents. En outre, leur étude se limitant aux articles publiés en anglais, il est possible que des articles pertinents publiés dans d’autres langues aient été ignorés. Enfin, les auteures ayant opté pour une étude exploratoire et exhaustive, elles n’ont pas procédé à une évaluation en bonne et due forme de la qualité des études examinées.
Applications possibles
Les adultes présentant des DID constituent déjà une population mal desservie et il convient que leurs besoins soient pris en compte dans le cadre de l’évolution vers des soins virtuels. Les professionnels qui prodiguent des soins virtuels devraient avoir conscience que ces soins pourraient être appropriés pour certains patients présentant des DID et pas pour d’autres. La capacité des patients à accéder aux soins virtuels pourrait dépendre de leurs besoins en matière de soins, de leur style de communication et de leur capacité à communiquer, ainsi que du soutien dont ils disposent et de leur cadre de vie.
Les recherches menées sur cette question sont relativement peu nombreuses. Il faudra faire de plus amples recherches pour déterminer quels sont les patients qui pourraient bénéficier de soins virtuels et dans quelles circonstances, ainsi que les formes de soutien dont ils auraient besoin pour ce type de soins.
Auteur.e.s
Avra Selick1,2, Nicole Bobbette2,3, Yona Lunsky1,2, Yani Hamdani1,2, Jennifer Rayner1, Janet Durbin1,2
- Université de Toronto, Toronto
- Centre de toxicomanie et de santé mentale, Toronto
- Université Queen’s, Kingston, Ontario