En bref
On sait très peu de choses sur les types de discrimination que signalent les personnes âgées ayant des problèmes de santé mentale. Toutefois, tout porte à croire que la stigmatisation et la discrimination associées à la maladie mentale recoupent d’autres préjugés, comme l’âgisme et le sexisme. Par conséquent, en raison de cette stigmatisation et de cette discrimination, les personnes ayant des troubles de santé mentale ont moins de chances de parvenir à une participation sociale et économique.
En Australie, une équipe de recherche s’est appuyée sur une enquête sociale générale (GSS) réalisée en 2014 pour étudier la discrimination et les obstacles à l’accès aux soins auxquels se heurtent les personnes âgées de 55 ans et plus. D’après les données transversales nationales, elle a constaté que les personnes âgées ayant des problèmes de santé mentale faisaient l’objet de discrimination plus de deux fois plus souvent que le reste de la population et que la discrimination entravait ou retardait leur accès à des soins.
Objet de la recherche
On sait très peu de choses sur les types de discrimination que signalent les personnes âgées de 55 ans et plus ayant des problèmes de santé mentale. Toutefois, tout porte à croire que la stigmatisation et la discrimination entourant la maladie mentale recoupent d’autres préjugés, comme l’âgisme et le sexisme. La stigmatisation et la discrimination ont de profonds effets sur les personnes qui ont des problèmes de santé mentale et leur famille. De plus, l’âgisme et la discrimination basés sur l’état mental sont des formes de stigmatisation qui ont un impact négatif sur les personnes âgées ayant des troubles mentaux.
Dans cette étude, l’équipe de recherche a examiné les données transversales nationales pour répondre à des questions sur les expériences en matière de discrimination des personnes âgées ayant des problèmes de santé mentale en Australie.
L’étude visait à répondre aux trois questions suivantes :
- Quelle est la prévalence des Australiens âgés ayant des problèmes de santé mentale qui signalent une forme ou une autre de discrimination ?
- Le type de discrimination (p.ex. âgisme) ou le cadre dans lequel la discrimination se produit (p. ex. un établissement de soins de santé) diffère-t-il en fonction de la présence d’un problème de santé mentale ?
- Y a-t-il un lien entre le fait d’être exposé à la discrimination et celui de se heurter à des obstacles pour obtenir des soins de santé ?
Méthodes
L’équipe de recherche a étudié le problème de la discrimination et les obstacles à l’accès aux soins à partir des données transversales provenant de la GSS de 2014. La première GSS a été menée en 2002, suivie d’autres enquêtes en 2006, 2010 et 2014.
L’enquête de 2014 a été menée dans les régions urbaines et rurales de l’Australie, mais les habitants des régions très éloignées ainsi que les communautés aborigènes et les insulaires du détroit de Torres en étaient exclus.
La GSS comprenait des questions sur :
- la santé,
- les relations familiales,
- les activités sociales et communautaires,
- l’éducation,
- l’emploi,
- le revenu et le stress financier,
- les actifs et les passifs,
- le logement et la mobilité,
- la criminalité et la sécurité,
- le transport,
- les sorties culturelles et les loisirs,
- la présence et la participation à des sports.
L’équipe de recherche a analysé les données portant sur les aspects suivants :
- l’âge (55–64 ans, 65–74 ans, 75 ans et plus),
- la région de résidence (grandes villes, zones régionales intérieures, autres zones),
- la sécurité financière du ménage,
- l’état de santé,
- l’évaluation de la discrimination.
Conclusions de la recherche
L’équipe de recherche a analysé les données de 4 967 répondants âgés de 55 ans et plus.
En tentant de répondre aux trois questions, l’équipe de recherche a constaté ce qui suit :
Quelle est la prévalence des Australiens âgés ayant des problèmes de santé mentale qui signalent une forme ou une autre de discrimination ?
- De 22 % à 25 % des personnes âgées ayant un problème de santé mentale ont déclaré avoir fait l’objet de discrimination au cours de 12 derniers mois, par rapport à 10 % des personnes âgées n’en ayant pas.
Le type de discrimination ou le cadre dans lequel la discrimination se produit diffère-t-il en fonction de la présence d’un problème de santé mentale ?
- Environ 20 % des personnes ayant un problème de santé mentale estimaient que la discrimination dont elles font l’objet est liée à leur état de santé et à d’autres caractéristiques, dont l’âge.
- Une personne sur trois victimes de discrimination a indiqué que le principal lieu d’exposition à la discrimination était le milieu de travail.
- Parmi les personnes ayant un trouble de santé mentale, presque un tiers des personnes traumatisées crâniennes et cérébrolésées ou ayant fait un accident vasculaire cérébral (26,6 %) et des personnes ayant subi des blessures psychologiques (28,1 %) ont fait état de discrimination.
- Les personnes âgées ayant un problème de santé mentale étaient nettement plus susceptibles (20 %) de dire que le motif de discrimination était un handicap ou une affection que celles n’en ayant pas (10,4 %).
Y a-t-il un lien entre le fait d’être exposé à la discrimination et celui de se heurter à des obstacles pour obtenir des soins de santé ?
- Chez les personnes ayant des problèmes de santé mentale, la discrimination au quotidien, la discrimination dans les soins de santé et la discrimination liée à l’état de santé augmentaient de deux à trois fois les probabilités qu’elles se heurtent à des obstacles pour avoir accès à des soins.
- Pour chaque type de discrimination signalé (p. ex. racisme, âgisme, etc.), les probabilités de se heurter à des obstacles pour avoir accès à des soins augmentaient de 1,3 fois.
Dans l’ensemble, les données ont montré que les personnes âgées ayant des problèmes de santé mentale faisaient l’objet de discrimination plus de deux fois plus souvent que les personnes sans problème de santé mentale. En outre, selon la GSS, la discrimination entravait ou retardait l’accès à des soins, et les obstacles à l’accès aux soins diminuaient avec l’âge.
Portée et limites des conclusions
L’équipe de recherche a relevé plusieurs limites à son étude. Premièrement, comme les données de l’enquête nationale étaient transversales, elle n’a pas été en mesure d’établir une relation de cause à effet entre la discrimination et les difficultés d’accès aux soins de santé. Deuxièmement, l’étude se fondant sur des données autodéclarées, ces dernières ont pu entraîner un biais lié à une sous‑déclaration et un biais de rappel. Troisièmement, l’enquête ne visant que les personnes vivant dans des ménages privés, les personnes vivant dans des maisons de retraite médicalisées, des hôpitaux ou des ménages collectifs en étaient exclues. De même, l’étude ne comprenait pas une analyse du rôle joué par la discrimination dans les obstacles auxquels font face les aborigènes et les insulaires âgés du détroit de Torres ayant des problèmes de santé mentale pour avoir accès à des soins. Enfin, l’évaluation de problèmes de santé mentale particuliers à un âge avancé a été limitée.
Applications possibles
Selon l’équipe de recherche, l’étude sera utile aux décideurs australiens pour élaborer des stratégies visant à promouvoir la santé mentale dans les soins aux personnes âgées et commencer à traiter la question du recours aux services de santé dans les groupes mal desservis. Elle souligne à quel point il est important de comprendre les diverses trajectoires et stratégies pouvant atténuer les effets néfastes de la stigmatisation dans des environnements particuliers, au lieu d’adopter une approche unique. Enfin, elle recommande d’effectuer d’autres recherches pour examiner comment les signalements de discrimination diffèrent selon les caractéristiques démographiques, comme le genre, le pays de naissance, la situation de famille et les mesures du statut socio-économique.
Auteur.e.s
Jeromey B. Temple1, Bianca Brijnath2, Joanne Enticott3,4, Ariane Utomo5, Ruth Williams6, Margaret Kelaher6
- Demography and Ageing Unit, Melbourne School of Population and Global Health, Université de Melbourne, Melbourne, Australie
- Social Gerontology, National Ageing Research Institute (NARI), Parkville, Australie
- Monash Centre for Health Research and Implementation, Université Monash, Melbourne, Australie
- Southern Synergy, Département de psychiatrie, Université Monash, Melbourne, Australie
- École de géographie, Faculté de Science, Université de Melbourne, Melbourne, Australie
- Centre for Health Policy, Melbourne School of Population and Global Health, Université de Melbourne, Melbourne, Australie