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Instantané de recherche : Une étude qualitative menée à l’échelle du Canada révèle les facteurs qui dissuadent les usagers de drogues de se faire vacciner contre la COVID-19 et ceux qui les incitent à le faire

Ce qu’il faut savoir

Chez les usagers de drogues, le taux de vaccination est inférieur à celui de la population générale, et ces personnes sont donc davantage exposées aux préjudices de maladies que les vaccins permettraient d'éviter. Dans cette étude canadienne, les chercheurs ont interrogé des usagers de drogues pour découvrir les facteurs qui les incitaient à se faire vacciner contre la COVID-19 et ceux qui les en dissuadaient. Ils ont également cherché à déterminer quelles seraient les interventions susceptibles d'aider ces personnes à prendre de meilleures décisions en ce qui concerne la vaccination. De nombreux participants à l’étude qui étaient partiellement ou non vaccinés ont déclaré avoir peu de connaissances sur les vaccins anti-COVID‑19, en particulier sur leur utilité. Une des raisons invoquées pour se faire vacciner était de se protéger ou de protéger les personnes autour de soi; d’autres participants ont expliqué que dans leur province, il fallait se faire vacciner pour pouvoir avoir accès à certains services pour conserver leur emploi ou voyager à l’étranger.

Objet de la recherche

Il est prouvé que les vaccins contre la COVID‑19 réduisent de manière significative la probabilité d'hospitalisations ou de décès dûs au virus. Or, chez les usagers de drogues, le taux de vaccination est inférieur à celui de la population générale, et ces personnes sont donc davantage exposées aux préjudices de maladies que les vaccins permettraient d'éviter. Les chercheurs ont interrogé des usagers de drogues pour découvrir les facteurs qui les dissuadaient de se faire vacciner et ceux qui les incitaient à le faire. Les chercheurs ont également cherché à examiner les moyens qui permettraient de relever le taux de vaccination au sein de ce groupe.

Méthode de recherche

Les chercheurs ont mené des entretiens téléphoniques individuels semi-structurés avec des usagers de drogues de tout le Canada. Ils ont également interrogé les participants sur leur statut vaccinal.

Deux guides d'entretien ont été utilisés : l'un pour les participants entièrement vaccinés contre la COVID‑19 (deux ou trois doses vaccinales) et l'autre pour les participants non vaccinés ou partiellement vaccinés (une seule dose pour la première série de vaccins). Les questions portaient principalement sur les obstacles à la vaccination et les raisons des réticences à se faire vacciner, ainsi que sur les moyens de les surmonter.

Les questions visaient également à déterminer quelles étaient les personnes les mieux placées, selon les participants, et auxquelles ces derniers faisaient le plus confiance, pour leur donner les informations en matière de vaccination. Les chercheurs souhaitaient de plus savoir quels étaient les formats et les plates-formes qui permettraient de diffuser largement ces informations aux usagers de drogues.

Conclusions de la recherche

Soixante‑dix‑huit personnes, âgées de 40 ans en moyenne, ont participé à l'étude. Environ la moitié se sont identifiées comme étant de sexe féminin et les deux tiers étaient de race blanche. Deux tiers des participants étaient vaccinés contre la COVID‑19.

Plus de la moitié des participants ont déclaré faire usage de plusieurs substances psychoactives (58 %), plus d'un quart consommaient des stimulants (26 %) et un dixième d'entre eux prenaient des opioïdes (12 %).

Parmi les participants partiellement ou non vaccinés, la moitié ont déclaré manquer de connaissances sur les vaccins anti-COVID‑19, en particulier sur leur utilité, la moitié étaient sceptiques quant aux dangers de la COVID-19 et aux bienfaits des vaccins, et une minorité de participants (un tiers) ont déclaré :

Les participants qui s'étaient fait vacciner avait pris cette décision pour se protéger ou protéger les personnes qu'ils côtoyaient, ou parce que le gouvernement obligeait les gens à se faire vacciner pour avoir accès à certains services, pour conserver leur emploi ou pour se rendre à l’étranger.

Les participants ont déclaré qu'ils se fiaient aux informations sur les vaccins qui provenaient de personnes ayant une expérience vécue de la consommation de drogues, de personnes œuvrant dans le domaine de la réduction des méfaits ou de prestataires de soins travaillant dans des établissements couramment fréquentés par les usagers de drogues.

Portée et limites des conclusions

Les chercheurs ont signalé que l'étude présentait plusieurs limitations. Certains des participants avaient déjà pris part à une étude sur la COVID‑19, ce qui pourrait indiquer qu'ils étaient davantage disposés à participer aux études en général et donc que l'échantillon de l'étude n’était pas totalement représentatif de la population des usagers de drogues. Par ailleurs, les entretiens ayant été menés par téléphone, il est possible que certaines personnes marginalisées aient été exclues de l'étude, dont celles ne disposant pas d'un logement.

Applications possibles

Cette étude est susceptible d'intéresser les planificateurs de programmes du secteur de la santé publique, qui pourraient s'appuyer sur ses conclusions pour concevoir des interventions et du matériel répondant aux préoccupations des usagers de drogues afin d'améliorer le taux de vaccination dans cette population. Il pourrait s'agir, par exemple, de stratégies de santé publique qui, menées dans des lieux et établissements largement fréquentés par les usagers de drogues, feraient appel à des personnes ayant une expérience vécue de la consommation de drogues (pairs) afin de favoriser l'adoption des vaccins. Cette étude pourrait également être utile aux fournisseurs de services qui œuvrent auprès de personnes ayant une expérience passée ou présente de l'usage de drogues et qui ont avec elles des échanges portant sur les vaccins anti-COVID‑19, en les aidant à mieux comprendre les enjeux existants dans cette population et donc à lui fournir un meilleur soutien. Et, bien entendu, les conclusions de l’étude pourraient servir à définir de futures stratégies de vaccination adaptées aux usagers de drogues.

Auteurs

Farihah Ali1,2, Ashima Kaura1, Cayley Russell1,2, Matthew Bonn3, Julie Bruneau13,14, Nabarun Dasgupta15, Sameer Imtiaz1, Valérie Martel-Laferrière5,6, Jürgen Rehm1,2,8,9,10,11,12, Rita Shahin4, Tara Elton-Marshall2,7

  1. Institut de recherche en politiques de santé mentale, Centre de toxicomanie et de santé mentale (CAMH), Toronto
  2. Pôle ontarien de l’Initiative canadienne de recherche sur l'abus de substances (ICRAS), Institut de recherche en politiques de santé mentale, Centre de toxicomanie et de santé mentale (CAMH), Toronto
  3. CAPUD (Canadian Association of People Who Use Drugs – association canadienne d’usagers de drogues), Dartmouth, Nouvelle-Écosse
  4. Bureau de santé publique de Toronto
  5. Centre de recherche du Centre hospitalier de l’Université de Montréal
  6. Département de microbiologie, infectiologie et immunologie de l’Université de Montréal
  7. École d’épidémiologie et de santé publique de la Faculté de médecine de l’Université d’Ottawa
  8. Département de psychiatrie de l’École de santé publique Dalla Lana et Institut des sciences médicales de l'Université de Toronto
  9. Université de Toronto, Toronto, Canada
  10. Institut de recherche en santé mentale de la famille Campbell, Centre de toxicomanie et de santé mentale (CAMH), Toronto
  11. Institut de psychologie clinique et psychothérapie de l’Université de technologie de Dresde (TUD), Allemagne
  12. Département de psychiatrie et de psychothérapie, Centre de recherche interdisciplinaire sur les dépendances du Centre hospitalier universitaire Hambourg‑Eppendorf (UKE), Hambourg, Allemagne
  13. Centre de recherche du Centre hospitalier de l’Université de Montréal
  14. Département de médecine de famille et de médecine d'urgence, Faculté de médecine de l'Université de Montréal
  15. École Gillings de santé publique mondiale de l’Université de Caroline du Nord, Chapel Hill

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