En bref
La méthadone et la buprénorphine-naloxone sont des traitements à base d’agonistes opioïdes (TAO) utilisés en cas de trouble lié à l’usage d’opioïdes (TUO). Bien que des facteurs génétiques prédisposent les individus à devenir dépendants aux opioïdes non prescrits (illicites), il reste à davantage étudier leur lien avec le succès d’un TAO.
Pour remédier à cette lacune, l’équipe de recherche a prélevé des échantillons d’urine toutes les deux semaines, pendant 24 semaines, auprès de 150 participants à l’étude qui présentaient un TUO. Lors de l’analyse des échantillons de sang des participants, elle a cherché les variations génétiques intervenant dans le métabolisme de la méthadone, le métabolisme de la buprénorphine et la fonction des récepteurs opiacés mu (μ), présents dans diverses parties du cerveau où la méthadone et la buprénorphine agissent. Elle a ensuite cherché des associations entre les variations génétiques et les analyses d’urine négatives pour les opioïdes, ce qui lui indiquait dans une mesure plus ou moins grande si les participants avaient réussi à ne plus prendre d’opioïdes. L’équipe de recherche a constaté des taux d’abstinence plus faibles parmi les participants chez lesquels une variation génétique modifiait la fonction du récepteur opiacé (présence de la variation A118G sur le gène OPRM1 et porteurs de l’allèle G) et qui recevaient un traitement à la méthadone que chez ceux présentant le génotype AA (variation A118G sur le gène OPRM1), plus commun.
Il ressort des résultats que les participants présentant le génotype G étaient moins susceptibles d’être abstinents et plus susceptibles d’abandonner le traitement que ceux présentant le génotype AA. L’équipe de recherche en a conclu qu’une variation A118G sur le gène OPRM1 pourrait aider à cerner les personnes qui, dans le cadre d’un traitement de la dépendance aux opioïdes, réagiraient mieux à une association de buprénorphine et de naloxone qu’à la méthadone.
Objet de la recherche
La méthadone et la buprénorphine-naloxone sont les traitements à base d’agonistes opioïdes (TAO) utilisés en cas de TUO. Toutefois, certaines personnes n’obtiennent pas les résultats escomptés. On sait que des facteurs génétiques ont une influence sur le risque de développer un TUO, mais on s’est peu penché sur la question de savoir s’ils ont une incidence sur l’efficacité d’un TAO.
L’équipe de recherche a étudié si certaines variations génétiques étaient associées aux résultats d’un traitement à la méthadone ou à la buprénorphine-naloxone prescrit pour trouble lié à l’usage d’opioïdes.
Méthode
L’équipe de recherche a observé des personnes qui avaient été réparties de façon aléatoire entre deux traitements quotidiens, d’une durée de 24 semaines, l’un à la méthadone, l’autre à la buprénorphine‑naloxone. Elle a analysé les échantillons d’urine prélevés à chaque visite (toutes les deux semaines) pour déterminer le niveau des opioïdes non prescrits et recherché les variantes génétiques connues intervenant dans le métabolisme de la méthadone, le métabolisme de la buprénorphine et la fonction des récepteurs opiacés mu (μ).
Conclusions de la recherche
Dans le groupe prenant de la méthadone, les échantillons d’urine des participants présentant le génotype AA (variation A118G sur le gène OPRM1) étaient plus susceptibles de ne pas contenir d’opioïdes que ceux des participants présentant les variations génétiques G. Toujours dans le groupe prenant de la méthadone, les échantillons d’urine des participants présentant les variations génétiques G étaient moins nombreux à ne pas contenir d’opioïdes que ceux du groupe traité à la buprénorphine présentant le génotype AA ou les variations génétiques G.
Ces observations donnent à penser que les personnes ayant un trouble lié à l’usage d’opioïdes et présentant une variation A118G sur le gène OPRM1 et les variations génétiques G pourraient obtenir de meilleurs résultats thérapeutiques si elles ne recevaient pas de la méthadone, mais un autre médicament, comme de la buprénorphine-naloxone.
Les personnes (groupe prenant de la méthadone) qui participaient toujours à l’étude après 24 semaines étaient plus susceptibles de s’être abstenues de consommer des opioïdes illicites que celles appartenant au groupe prenant de la buprénorphine-naloxone. Cette constatation corrobore les résultats de précédentes recherches.
Les personnes (sous-groupe prenant de la méthadone) présentant une variation A118G sur le gène OPRM1 et les variations génétiques G étaient moins susceptibles de terminer l’étude et de s’être abstenues de consommer des opioïdes jusqu’à la 24e semaine que celles présentant le génotype AA. Ce résultat semble indiquer que le moindre succès de la méthadone chez les personnes ayant un génotype G tient peut-être en partie au fait qu’elles ont arrêté leur traitement.
L'équipe de recherche a conclu que, s’ils étaient confirmés, les résultats justifieraient l’utilisation potentielle des variations génétiques lors du choix d’un TAO.
Portée et limites de l’étude
L’équipe de recherche a relevé quelques limites à cette étude. Ainsi, de nombreux participants ont abandonné l’étude et les analyses d’urine négatives pour les opioïdes étaient moins nombreuses que prévu. En raison du petit nombre de personnes dans chaque groupe de traitement/génotype, il est difficile d'affirmer avec certitude que les résultats seraient les mêmes en situation réelle.
Par ailleurs, seul un petit nombre de participants à l'étude n'étant pas blancs, il est difficile de généraliser les conclusions à l’ensemble des groupes.
Applications possibles
Bien qu’il s’agisse de résultats préliminaires, l’étude apporte des éléments prouvant que la pharmacogénétique (étude de l’influence des facteurs génétiques sur la variabilité de la réponse à un traitement médicamenteux) pourrait servir à personnaliser un TAO selon le profil génétique de la personne atteinte d’un trouble lié à l’usage d’opioïdes. De plus, selon l’étude, la variation A118G sur le gène OPRM1 peut servir de mesure objective pour repérer les personnes qui bénéficieraient davantage d’un traitement de buprénorphine-naloxone que d’un traitement de méthadone.
À propos de l’équipe de recherche
Intishar Kazi1,2, Meghan J. Chenoweth1,2,3, Didier Jutras-Aswad4,5, Keith Ahamad6,7, M. Eugenia Socias6,8, Bernard Le Foll1,2,3,9,10,11,12,13 et Rachel F. Tyndale1,2,3
- Département de pharmacologie et de toxicologie, Université de Toronto, Toronto, Ontario, Canada.
- Institut de recherche en santé mentale de la famille Campbell, Centre de toxicomanie et de santé mentale (CAMH), Toronto, Ontario, Canada.
- Département de psychiatrie, Université de Toronto, Toronto, Ontario, Canada.
- Centre de recherche, Centre Hospitalier de l’Université de Montréal, Montréal, Québec, Canada.
- Département de psychiatrie et d’addictologie, Faculté de médecine, Université de Montréal, Montréal, Québec, Canada.
- British Columbia Centre on Substance Use, Vancouver, Colombie-Britannique, Canada.
- Département de médecine familiale, Faculté de médecine, Université de Colombie‑Britannique, Vancouver, Colombie-Britannique, Canada
- Département de médecine, Faculté de médecine, Université de Colombie-Britannique, Vancouver, Colombie-Britannique, Canada.
- École de santé publique Dalla Lana, Université de Toronto, Toronto, Ontario, Canada.
- Laboratoire de recherche translationnelle sur les dépendances, Institut de recherche en santé mentale de la famille Campbell, Centre de toxicomanie et de santé mentale (CAMH), Toronto, Ontario, Canada.
- Département de médecine familiale et communautaire, Université de Toronto, Toronto, Ontario, Canada.
- Division des dépendances, Centre de toxicomanie et de santé mentale, Toronto, Ontario, Canada.
- Waypoint Research Institute, Waypoint Centre for Mental Health Care, Penetanguishene, Ontario, Canada.