Le Regroupement ontarien pour les soins virtuels en santé mentale et en usage de substances mène à l’heure actuelle des entrevues pour mettre en avant des programmes ou des initiatives ayant contribué dans tout l’Ontario à ce que personne ne soit laissé pour compte lors du passage rapide aux soins virtuels de santé mentale et de traitement des dépendances qui s’est produit en raison de la pandémie de COVID-19. En apprendre davantage sur les « Histoires de réussites actuelles ».
Entretien avec Kim Corace et Melanie Willows
Entrevue menée avec la Dre Kim Corace, vice-présidente de l’innovation et de la transformation, Le Royal, et la Dre Melanie Willows, directrice clinique, Programme de traitement de la toxicomanie et des troubles concomitants, Le Royal.
En quoi consistent les cliniques d’intervention rapide en dépendances (cliniques RAAM)?
Les cliniques d’intervention rapide en dépendances (RAAM) permettent aux clients aux prises avec des problèmes d’usage de substances, y compris l’alcool et les opioïdes (problèmes de plus en plus répandus en Ontario), d’accéder rapidement à des soins, sans entrave. Aucun rendez-vous ni aiguillage ne sont requis pour accéder à une clinique RAAM.
La clinique RAAM du Royal fonctionne en collaboration avec différents partenaires de la ville d’Ottawa et des environs, notamment avec les services d’urgence, les partenaires communautaires chargés des services de gestion du sevrage, les fournisseurs de soins primaires et le service d’accès coordonné AccèsSMT offert dans l’est de l’Ontario.
Les cliniques RAAM diminuent le nombre d’hospitalisations liées aux opioïdes ainsi que le nombre de consultations aux services des urgences et le nombre de décès. En temps de pandémie, elles sont plus nécessaires que jamais.
À quel problème votre initiative a-t-elle répondu?
Avant la pandémie, nous avions une clinique RAAM où les personnes aux prises avec un problème d’usage de substances et des problèmes de santé mentale concomitants pouvaient recevoir des soins immédiats au moment où elles en avaient besoin. De nombreux clients étaient aiguillés directement par un service d’urgence vers la clinique RAAM sans rendez-vous, et ce, le jour même.
Au début de la pandémie de COVID-19, les procédures de prévention et de contrôle des infections étaient telles que les clients ne pouvaient plus accéder librement à la clinique RAAM sans rendez-vous. Même si celle-ci a réagi immédiatement pour offrir des soins virtuels, ce virage signifiait qu’elle n’était plus facile d’accès. Pour accéder aux soins virtuels, les clients devaient d’abord prendre un rendez-vous.
Le modèle RAAM est particulier du fait qu’il est interdisciplinaire. Les clients peuvent consulter sans problème différents fournisseurs de services en personne, comme des médecins, des membres du personnel infirmier ou du personnel infirmier praticien, des travailleurs sociaux et des conseillers en dépendances. Cette continuité se traduit par un nombre moindre de rendez-vous à fixer et à respecter, ainsi que par un transfert des soins harmonieux entre fournisseurs de services. Elle permet également à ces derniers de collaborer dans leurs divers domaines d’expertise afin de mieux servir les clients. Pendant la pandémie de COVID-19, cette collaboration était devenue difficile dans le milieu virtuel, car les membres de l’équipe ne travaillaient pas dans les mêmes locaux et chaque rendez-vous avait lieu en vase clos.
Jumelée à ces obstacles dans le milieu virtuel, la pandémie de COVID-19 a fait monter en flèche les taux d’usage d’opioïdes et d’alcool ainsi que les méfaits graves connexes, dont une hausse des surdoses. Nous étions en pleine crise.
Comment votre initiative a-t-elle pu rétrécir le fossé numérique?
En collaboration avec les clients, les cliniciens, les administrateurs, les experts en technologie, les chercheurs et les fournisseurs, nous avons conçu une nouvelle solution numérique appelée « porte d’entrée numérique RAAM ». Il s’agit essentiellement d’une clinique virtuelle sans rendez-vous où les gens peuvent accéder à des services depuis leur ordinateur, leur tablette ou leur téléphone intelligent. Une personne peut se rendre sur le site Web, entrer de l’information à son sujet et accéder immédiatement à un fournisseur de soins de santé.
La plateforme permet également aux clients de consulter différents fournisseurs de soins (un membre du personnel infirmier, un travailleur social, etc.), sans que leur session soit interrompue entre les consultations, un peu comme s’ils consultaient en personne un membre du personnel d’une clinique sans rendez-vous.
La version 3.0 de la porte d’entrée numérique utilise sa propre plateforme de vidéoconférences intégrée, ce qui facilite les transitions et les consultations multidisciplinaires. Elle permet aux personnes offrant du soutien, que ce soit un membre du personnel d’un organisme communautaire, un conjoint ou un parent, de participer simultanément au rendez-vous. Il est même possible d’être connecté depuis une salle des urgences en recevant un code QR pour accéder directement à la porte d’entrée numérique. Par ailleurs, les personnes se connectant à AccèsSMT qui disent éprouver des problèmes d’usage d’alcool et/ou d’opioïdes sont dirigées directement vers la porte d’entrée numérique RAAM.
Nous avons également collaboré avec nos partenaires communautaires pour offrir des services de connectivité et de soutien aux clients qui n’ont pas nécessairement accès à Internet.
Grâce à la porte d’entrée numérique, il est maintenant plus facile d’accéder à une clinique RAAM qu’il ne l’était lorsque les services n’étaient offerts qu’en personne, sans rendez-vous. Certaines personnes habitant la région vivent trop loin pour accéder à une clinique, beaucoup n’ont pas accès à un moyen de transport, et d’autres sont peut-être trop malades ou nerveuses pour s’y rendre en personne.
La plateforme intègre automatiquement l’accueil, l’évaluation et la collecte de mesures standardisés. Par exemple, elle enregistre le nombre de clients qui ont consulté la clinique ainsi que la durée de leur rendez-vous. Cette information nous aide à comprendre le mode d’utilisation des services et à orienter le processus d’amélioration de la qualité.
Si votre initiative pouvait être mise en œuvre dans d’autres collectivités de la province, quelles ressources ou quels processus faudrait-il mettre en place? Pouvez-vous mentionner certains obstacles auxquels les organismes peuvent s’attendre à devoir faire face ainsi que les principaux facilitateurs pour surmonter ces obstacles?
Nous mettons actuellement en œuvre le modèle de la porte d’entrée numérique dans 15 cliniques RAAM de l’Ontario. L’obtention des fonds et des ressources humaines nécessaires constitue le plus grand besoin et le plus gros défi à surmonter pour une telle expansion. Plus particulièrement, pour pouvoir appuyer les cliniques de divers types et envergures à l’échelle provinciale – en milieu hospitalier ou en milieu communautaire – nous devons centraliser la coordination. Il nous faut des personnes capables d’appuyer la mise en œuvre, l’adaptation, la normalisation et la mise au point de la plateforme. Plusieurs cliniciens, analystes des activités, gestionnaires de projet, évaluateurs et courtiers du savoir participent à divers volets du projet. Un grand nombre de personnes doivent se serrer les coudes pour faire de cette expansion un succès!
Nous souhaitons également assurer l’amélioration continue de la qualité à l’avenir. La porte d’entrée numérique n’est pas une solution statique; c’est une solution qui doit être constamment adaptée aux besoins des clients et aux services cliniques offerts. Dans la mesure du possible, nous devons nous efforcer d’assurer une transition harmonieuse pour les clients.
Par exemple, un des changements que nous souhaitons apporter consiste à améliorer encore l’accès des clients à une clinique RAAM en misant davantage sur notre réseau de cliniques. La clinique RAAM de votre ville pourrait ne pas avoir de fournisseur de services disponible, contrairement à celle d’une autre ville. Comment pouvons-nous tirer profit du réseau pour veiller à ce qu’un client obtienne des services le plus rapidement possible en le dirigeant vers une autre clinique de la province par l’entremise de la porte d’entrée numérique?
Nous savons que les communautés francophones de l’Ontario sont mal servies. Comment pouvons-nous utiliser la porte d’entrée numérique pour relier les Franco-Ontariens à des services RAAM en français, s’ils ne sont pas offerts dans leur région?
À terme, nous envisageons de mettre collectivement en réseau les quelque 50 cliniques de la province, mais nous aurons besoin d’un financement continu pour y parvenir. Plus nous aurons de points d’accès, plus les cliniques RAAM seront accessibles à l’échelle provinciale.
À propos des interviewées
La Dre Kim Corace est vice-présidente de l’innovation et de la transformation au Centre de santé mental Royal Ottawa, professeure agrégée au Département de psychiatrie de l’Université d’Ottawa, chercheuse clinique à l’Institut de recherche en santé mentale, psychologue en santé clinique et ancienne présidente de la Société canadienne de psychologie (SCP). Active à l’échelle provinciale, nationale et internationale, la Dre Corace s’emploie à améliorer l’accès aux traitements et les résultats obtenus par les personnes aux prises avec des problèmes d’usage de substances et d’autres problèmes de santé mentale, et elle cherche particulièrement à élaborer des modèles de soins collaboratifs en milieux hospitaliers et communautaires.
La Dre Melanie Willows est médecin spécialiste des dépendances et directrice clinique du Programme de traitement de la toxicomanie et des troubles concomitants au Centre de santé mental du Royal Ottawa. Elle est professeure adjointe à l’Université d’Ottawa, chercheuse clinique à l’Institut de recherche en santé mentale, ambassadrice de l’American Board of Addiction Medicine et ancienne présidente de la Société canadienne de psychologie (SCP). La Dre Willows collabore avec des cliniciens et des chercheurs pour élaborer de nouveaux services visant à faciliter l’accès aux soins et à combler les lacunes en matière de soins pour les problèmes liés à l’usage de substances et d’autres problèmes de santé mentale.
Pour en savoir plus, veuillez nous écrire à l’adresse communications@theroyal.ca.